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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Charles, pour venger Olivier de Clisson, cherchait à gagner la Bretagne où s’était réfugié Pierre de Craon, le meurtrier du connétable.
    Disons tout de suite que cette folie procédait par accès imprévus, se déchaînant avec une rapidité terrible ; que ces accès étaient assez rares ; qu’entre chacun d’eux, le roi vivait quelquefois dans un état de demi-démence inoffensive, et d’autres fois recouvrait toute sa raison.
    Ce jour-là, Charles VI accompagné de son oncle le duc de Berry et de toute sa cour était parti à la chasse en parfaite santé et joyeuse humeur. Au retour, et comme on se dirigeait vers la porte Gibard, tout à coup, le roi tressaillit violemment. Aussitôt il devint livide et se mit à grelotter. Une sueur glacée inonda son front. Et ceux qui le regardaient virent qu’une terreur étrange convulsait ses traits, – la terreur de ce qui n’est invisible, ni humain, ni terrestre. Il tendit le poing et bégaya : À moi ! À moi ! Les voici !…
    Le duc de Berry fit un signe à deux valets qui, toujours, escortaient le roi hors de l’Hôtel Saint-Pol, en prévision d’un accès, et avaient leur besogne toute tracée. Ils s’approchèrent aussitôt et saisirent les rênes du cheval que montait Charles VI.
    – Traîtres ! cria le dément. Vous voulez me livrer !
    Alors on entendit sa clameur furieuse.
    Toute la troupe mit pied à terre devant le clos Champdivers. L’accès dépassait tout ce qu’on avait pu voir et entendre depuis quinze ans. Ce fut lamentable. Des gens d’armes se signaient. D’autres tremblaient.
    – Entrons ici, dit le duc de Berry. Nous ne pouvons traverser Paris en cet état. Nous attendrons que la vision de Sa Majesté soit finie.
    La vision !… Le duc avait prononcé ce mot avec une froide et sinistre ironie.
    Le visionnaire donc, écumant sous la griffe de l’invisible fut entraîné, dans le castel, et les deux valets le poussèrent dans une salle, tandis que Champdivers s’empressait à ses devoirs d’hospitalité envers l’illustre compagnie qui s’arrangeait pour attendre la fin de la vision.
    L’attente allait être longue, les accès duraient généralement trois ou quatre heures, avec des abattements subits, de soudaines reprises de fureur.
    On entendait les hurlements du fou.
    Tout à coup, et à peine les nobles hôtes de Champdivers s’étaient-ils installés, on n’entendit plus rien.
    Le duc de Berry tressaillit dans tout son être, se leva tout d’une pièce, et dit :
    – Oh !… Est-ce qu’il est mort ?…
    Sans le vouloir, il venait de laisser s’échapper le secret de l’espoir funèbre qui gîtait au fond de sa pensée.
    Il attendit une minute encore, tout pâle. Puis il courut à la porte de la salle où on avait enfermé le roi. Tous le suivirent. Tous entrèrent derrière lui. Et tous s’arrêtèrent stupéfaits, ravis, émerveillés de l’apparition.
    Une jeune fille était là, si gracieuse et si belle qu’on l’eût prise pour quelque fée bienfaisante. Et le roi, le fou, le visionnaire, en arrêt devant elle, la contemplait avec une religieuse admiration. Lentement, comme attiré, le roi se rapprochait d’Odette, il lui prenait la main, et bégayait :
    – Défendez-moi, protégez-moi… ah ! regardez-moi encore… Vos yeux me calment, vos yeux rafraîchissent l’affreuse brûlure de mon front, vos yeux versent dans ma poitrine un baume qui cicatrise les blessures de ce pauvre cœur si meurtri. Qui êtes-vous ? Pourquoi un seul de vos regards apaise-t-il mes terreurs ? Êtes-vous une vierge que m’envoie Notre-Dame la Vierge ? Êtes-vous un ange descendu de là-haut pour protéger celui que tout abandonne et trahit.
    Odette ne semblait ni effrayée, ni embarrassée. Elle souriait, elle laissait sa main dans la main du roi, son pur regard continuait à lui verser les fluides consolateurs, et apaisants jaillis de son âme immaculée.
    Le fou ne criait plus. Sûrement, il avait cessé de souffrir, et l’apaisement se faisait en lui avec une magique rapidité. Odette, à pas lents, se mit en marche. Le roi, tenant toujours sa main, reculait. Elle le conduisit ainsi jusqu’à un vaste fauteuil où il se laissa tomber…
    Odette le regardait…
    Alors, sous ce regard, on vit les paupières du roi fou se fermer doucement. Alors elle parla, murmura plutôt quelques mots, d’une voix très douce :
    – Reposez-vous, pauvre roi ; dormez, sire, dormez en paix ; ici, vous êtes en

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