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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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maison. Et je n’ai trouvé que vous en qui je puisse mettre toute ma confiance : au clos Champdivers habitent la loyauté, la bravoure et l’honneur.
    La duchesse d’Orléans tendit sa main sur laquelle ce vieux soudard s’inclina avec la grâce altière des chevaliers de ce temps. Puis elle serra Roselys dans ses bras, et d’un accent presque maternel, murmura :
    – Vous n’avez pas de mère, petite Odette de Champdivers, mais autant qu’il sera en mon pouvoir, vous ne vous en apercevrez pas.
    Et elle partit en promettant de revenir, souvent – promesse qu’elle tînt comme toutes celles qu’elle faisait.
    L’enfant fut confiée à dame Margentine, gouvernante du logis. Quant au vieux soldat, il déclara qu’il était prêt à défendre la jolie fille envers et contre tous, mais que là devait se borner son rôle.
    – Il est trop tard, dit-il, pour que j’apprenne le métier de père.
    Des jours, des semaines s’écoulèrent. Après l’ébranlement cérébral, Roselys, replacée dans le milieu familier à son enfance, eût sans aucun doute repris tout naturellement les mêmes habitudes d’esprit. Placée dans un décor inconnu, elle s’y adapta. Mêlée à des gens qu’elle ignorait, elle crut peu à peu les avoir connus. Les tentatives de la mémoire essayant d’évoquer les ombres, du passé avortaient l’une après l’autre parce qu’elle se trouvait en présence de réalités nouvelles. Un jour, elle dit à dame Margentine :
    – Mais… il me semble que… je ne m’appelle pas Odette.
    La digne gouvernante voulut interroger l’enfant. Mais cette impression s’était déjà évanouie. Lorsque Roselys, au bout d’un an, eut repris toute sa lucidité d’esprit, il se trouva que sa pensée entièrement renouvelée ne lui présentait plus du passé que des sensations affaiblies, tandis que le présent la sollicitait avec force.
    Vers l’âge de huit ans, elle était persuadée qu’elle était née au clos Champdivers et y avait toujours vécu. Elle était bien Odette de Champdivers ! Elle s’était constitué une famille. Avec ce besoin inné chez les enfants, elle se créa un nid familial dont elle fut le charme et la grâce. Elle appela dame Margentine « sa bonne nourrice ». La duchesse d’Orléans devint « sa belle marraine ». Quant à Honoré de Champdivers, par un beau matin de printemps, elle le nomma « grand-père ».
    Il y eut dès lors une passion dans l’âme du soudard. Il aima, il adora l’enfant. Lorsqu’elle eut douze ans, il entreprit son éducation en lui apprenant l’équitation, l’art de panser les blessures, et en lui racontant ses batailles. Odette écouta ces beaux récits avec plaisir, ce qui fanatisa Champdivers.
    C’est tout ce que nous avons pu savoir touchant l’enfance de cet indéchiffrable personnage que l’Histoire appelle Odette de Champdivers. Cette enfance fut heureuse. Lorsqu’elle eut franchi sa seizième année, elle était un type de pure beauté idéale, avec ses cheveux blonds en bandeaux comme on en voit aux vierges de Raphaël, l’incomparable délicatesse de son teint, la suave poésie de ses yeux bleus rêveurs, la tendresse de son sourire et la noblesse de ses attitudes ; elle aimait les fleurs ; elle était l’amie des bêtes ; sa voix, disent les vieux chroniqueurs, était émouvante…
    Telle était Odette de Champdivers, ou Roselys d’Ambrun, comme il plaira au lecteur, au milieu de l’an 1407.
    Un jour du mois de juillet de cette année-là, vers midi, devant le clos, tout à coup éclatèrent des cris stridents, une clameur de bête égorgée, une sorte de hululement si farouche, si loin de toute expression humaine que le vieux Champdivers en pâlit. Il sortit précipitamment : devant sa porte, une troupe de seigneurs étaient arrêtés. « Vite, lui cria l’un d’eux, faites préparer une chambre !… » Au milieu de ces gentilshommes, rudement maintenu par deux athlétiques valets dont la poitrine s’ornait de l’écusson à trois fleurs de lis d’or, un être se débattait, se tordait, convulsif, les cheveux hérissés, la bouche écumante, hurlant à la mort…
    – Le roi chez moi ! murmura Champdivers tremblant, le roi de France !…

X – LE ROI FOU
    C’était Charles, roi, sixième du nom. Il avait alors trente-huit ans. Sa folie durait depuis 1392, c’est-à-dire depuis quinze ans : tout le monde sait comment elle se produisit soudainement dans la forêt du Mans alors que

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