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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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je le devine, tout me le crie ! Si j’allais me jeter à ses pieds, si je trouvais un cri de passion pour la convaincre, elle reviendrait à moi, car je suis l’homme de la force, et seul, je puis la comprendre, seul je puis l’aider dans son magnifique rêve de domination… Enfer ! Comme elle est belle ! Et pourquoi ne puis-je l’aimer, moi ?…
    Il y eut comme un sanglot dans sa gorge. Le rude féodal s’attendrissait. Un sentiment que peut-être il n’avait jamais connu, même quand il jurait un éternel amour à Laurence d’Ambrun, même quand d’un magnétique regard Isabeau exaltait sa passion, un sentiment d’irrésistible douceur le pénétrait jusqu’aux moelles… et il sanglotait :
    – Pourquoi je ne puis aimer Isabeau qui me ferait roi !… Pourquoi !… Insensé ! Fou plus fou que le dément de l’Hôtel Saint-Pol… C’est que j’aime, moi ! C’est que j’aime à en perdre la raison cette jeune fille pour qui je donnerais mon duché, mes espérances, cette couronne de fer de Charlemagne que je rêve de poser sur ma tête… Odette !… Odette !… pourquoi n’êtes-vous pas ici pour voir pleurer Jean sans Peur !…
    C’était vrai. Écroulé dans un de ces énormes fauteuils gothiques, les deux coudes sur un coin de table, la tête dans les deux mains, le féodal pleurait.
    Son cœur battait comme jamais il n’avait battu… pour Odette de Champdivers…
    Pour Roselys… sa propre fille.
    Quelques minutes, le duc de Bourgogne demeura ainsi prostré. Cette faiblesse dura peu. Il se releva, se remit en marche, talonnant le parquet, secouant la tête. Il y avait des lueurs rouges dans ses yeux. Il redevenait l’homme de la force. Dans un mauvais rire, il acheva :
    – Cette fille sera à moi ! Je l’ai dit. Je le veux. Cela sera !… Dès que je serai roi, tout m’appartiendra, elle comme le reste. Être roi ! Voilà la clef de toute la situation. Eh bien, je puis encore persuader à Isabeau… je puis lui dire, lui prouver… la convaincre… je puis faire d’elle l’instrument de ma puissance, que je briserai quand il me sera inutile… Oui, mais pour convaincre Isabeau de mon amour, il faut qu’elle voie en moi la force que je suis, la seule capable d’assurer sa puissance, à elle ! Et pour cela, il faut que je frappe de terreur Paris, l’Hôtel Saint-Pol, le roi fou et sa cour de pâles imposteurs ! Et pour cela, il faut que tout d’abord tombe sous mes coups le rival heureux, adulé, celui qui déjà se croit maître du royaume, Louis d’Orléans !… Holà ! mes pages ! mes armes !…
    Déjà, aux cris du maître, les valets se précipitaient. Et tandis qu’on préparait l’armure d’acier dont on allait le couvrir de pied en cap, Jean sans Peur, éclatant de rire :
    – Remédier à la misère du peuple !… Oui, oui, nous allons y remédier !…
    Tout à coup, le rire se figea sur ses lèvres. Une flamme d’astuce inexprimable brilla dans ses yeux. Il avait tressailli.
    – Oh ! oh ! fit-il entre les dents. D’où me vient cette pensée ? Du ciel ou de l’enfer ? Peu importe, elle est la bienvenue !… Puisqu’il s’agit de conquérir Paris, puisqu’on parle de la misère du peuple, eh bien, pourquoi ne serais-je pas le premier à en parler au peuple ? Pourquoi ne ferais-je pas de tous les bourgeois et manants une armée de fanatiques prête à mourir pour moi ? Et pourquoi ne deviendrais-je pas ainsi le roi de Paris avant d’être le roi de France ?
    Les valets empressés autour de lui achevèrent de l’habiller : cuirasse étincelante, épaulières, plastron, gorgerin, brassards, gants, jambards, genouillères, le tout surmonté du casque à la bourguignonne avec son timbre et sa crête. Quand ils eurent fini, il apparut tout entier vêtu d’acier, on lui passa une lourde épée ceinte autour des reins et, lourdement, il descendit. Devant un perron, assez élevé pour qu’il pût facilement se mettre en selle, on amena son cheval bardé lui-même de plaques de fer.
    Jean sans Peur leva sa visière.
    Il se tourna vers les cinq cents cavaliers que Guillaume de Scas avait rassemblés dans la cour de l’hôtel de Bourgogne.
    – Nous allons parcourir l’Université, la Cité, la Ville, cria Jean sans Peur, et montrer aux Parisiens qu’ils ont des amis capables de les défendre.
    Il y eut un mouvement de stupeur. Ce langage était nouveau. Mais sans se donner la peine d’expliquer sa véritable pensée à ses

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