Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
bras.
    – Et moi les pieds, dit Bragaille.
    – Et moi la tête, dit Brancaillon.
    C’était ainsi. Une tare dans leurs cervelles, peut-être. Ou une idée fixe. Ils avaient vu dix fois la mort ; en face sans trembler. Mais il suffisait de leur dire : « Vous êtes trois vivants » pour les faire rentrer sous terre. Il suffisait de leur proposer un tour dans la Cité pour leur faire tourner les talons.

XV – PREMIER GRONDEMENT D’ORAGE
    Après le départ des trois estafiers lancés aux trousses de Passavant, le duc de Bourgogne, quelques minutes, arpenta de son pas rude et sonore la grande salle, jetant un regard furtif sur les visages balafrés de ses quatre fidèles, grondant des mots sans suite. Tout à coup il frappa violemment du talon.
    – Attention ! se dirent les quatre. Il y vient !
    – Ocquetonville, dit Jean sans Peur d’une voix blanche, prenez le commandement de nos archers et faites occuper toutes les rues conduisant à l’hôtel. Allez, mort-dieu ! Qu’attendez-vous !
    C’était le coup de tonnerre, la guerre déclarée au duc d’Orléans seul gouverneur, seul ayant droit de poster des hommes, de guerre dans les rues.
    Ocquetonville sortit en courant. Dans le fond de la salle, une tenture se souleva. Une femme parut, qui s’arrêta là pour écouter.
    – Scas, continuait Jean sans Peur, combien avons-nous de cavaliers ?
    – Cinq cents, monseigneur.
    – Fais-les monter à cheval, harnachés en guerre !
    Scas partit. La femme tressaillit et pâlit.
    – Courteheuse, gronda Jean sans Peur, combien avons-nous d’hommes arrivés à Melun ?
    – Trois mille, monseigneur.
    – Montez à cheval, courez à Melun à franc étrier, et amenez-les !
    Courteheuse, à son tour, s’élança. La femme laissa retomber la tenture à laquelle elle s’appuyait et fit deux pas dans la salle.
    – Guines, poursuivit Jean sans Peur, combien d’hommes arrivés à Fontainebleau ?
    – Trois mille, monseigneur.
    – Courez à Fontainebleau ventre à terre et amenez-les d’une seule traite !
    Guines partit. La femme allait s’avancer sur le duc de Bourgogne. Mais à ce moment même la grande porte de la salle s’ouvrit à double battant, et un huissier, d’une voix solennelle, cria :
    – Héraut royal !…
    – Bon ! bon ! grogna le duc, qu’il entre. Et qu’on sache ce que nous veut le fou !
    La femme recula jusqu’à la tenture derrière laquelle elle se dissimula. En même temps, l’envoyé de Charles VI faisait son entrée, précédé de deux pages, et suivi de quatre arbalétriers de la compagnie de l’Hôtel Saint-Pol. Le héraut s’inclina profondément devant le duc de Bourgogne.
    – J’attends ! dit celui-ci d’un ton rude et bref.
    – Monseigneur, dit le héraut, le roi mon maître vous fait savoir qu’un grand conseil sera assemblé en la chambre de son palais dans l’Hôtel Saint-Pol, auquel conseil prendront part messieurs les princes, monseigneur le dauphin, les prélats, le recteur et les docteurs de l’Université. Ce conseil se tiendra demain à neuf heures du matin, et Sa Majesté le roi vous en avise afin que vous preniez toutes dispositions pour vous y trouver. Sur ce, daigne monseigneur me permettre de me retirer, car j’ai la même sommation à présenter au sire duc de Berry, et il y a loin jusqu’à son château de Wincestre {11} .
    – Allez, allez, je ne vous retiens pas. Un mot seulement. Quel est le sujet de ce conseil ?
    – On y discutera, dit le héraut, sur les impôts…
    – Ah !… fit Jean sans Peur goguenard.
    – Sur le luxe effronté des dames de la Cour, dénoncé par messire Jacques Le Grand, augustin, en son dernier sermon.
    – Ah ! Ah !…
    – Et on s’y entendra sur les moyens de remédier à la misère du peuple {12} .
    – La misère du peuple ! fit Jean sans Peur en ouvrant des yeux stupéfaits.
    Mais déjà le héraut s’était incliné et, avec son escorte, franchissait la grande porte dont l’huissier refermait les battants. Jean sans Peur reprit sa promenade furieuse, tantôt éclatant de rire et criant « la misère du peuple ! » tantôt proférant des menaces contre le duc d’Orléans.
    À ce moment, celle qui venait d’assister à cette double scène s’avança lentement, et toucha le duc au bras. Jean sans Peur se retourna en jurant, et vit devant lui la haute silhouette, la figure pâle et sévère de sa femme Marguerite de Hainaut. Elle n’avait rien perdu de cette

Weitere Kostenlose Bücher