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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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gentilshommes, le duc de Bourgogne continua :
    – La misère du peuple est grande. Il faut y remédier au plus tôt ! Cette misère, on sait assez d’où elle vient ! L’homme qui régente le royaume est insatiable. Il n’y aura jamais assez d’argent pour payer les débordements de Louis d’Orléans !
    Cette fois, tout le monde comprit. Un long frisson passa sur cette assemblée d’hommes d’armes comme un vent qui secouerait des feuilles d’acier.
    – Ce n’est pas tout. Orléans ne se contente pas d’être le maître insolent, le pillard avide qui lève impôts sur impôts. Voici qu’il insulte Bourgogne ! Quatre des nôtres, des vôtres, frappés par un homme à sa solde, en sa présence, avec son appui, ont dû se soumettre devant lui, et la croix de Saint-André est déshonorée si nous ne la vengeons !
    À ces mots, il y eut l’explosion des cris de fureur, des menaces, des jurons forcenés ; pendant quelques minutes, on n’entendit que le hurlement des voix ne parlant que de ventres ouverts, de cœurs arrachés, d’oreilles en capilotade, jurant les saints et les diables, en appelant au pape et à Belzébuth, vociférant par les griffes, par les ongles, par le sang, par la tête, par le nombril, et finalement toute cette rumeur se condensa en une même clameur :
    – Bataille ! Bataille !
    Jean sans Peur, alors, marcha vers le pont-levis. Toute la masse équestre s’ébranla. Quelques minutes plus tard, les cinq cents guerriers bourguignons commençaient à parcourir Paris.
    Tel fut le début de la guerre des Armagnacs et des Bourguignons. Lorsque Paris fut à feu et à sang, on eût bien étonné le chevalier de Passavant en lui disant qu’il avait été sinon la cause, du moins le premier prétexte de l’énorme tuerie qui fait toutes rouges les pages de l’histoire de ces temps.

XVI – LA FILLE DE JEAN SANS PEUR
    La rue Saint-Martin et la rue Saint-Denis étaient les deux grandes artères populaires et commerçantes de Paris. Ce fut naturellement dans ces voies où se concentrait l’activité que Jean sans Peur voulut tout d’abord se montrer. Dès son entrée dans la rue Saint-Martin, il ôta son casque et le donna à porter à l’un de ses pages, afin que tout le monde pût le voir. Il marchait à plus de vingt pas en avant de ses cavaliers pour bien montrer la confiance qu’il avait dans le peuple de Paris. Derrière lui, à trois pas, un de ses guerriers portait la bannière de Bourgogne. Il allait ainsi, pesant et brillant, tout en acier, et sa tête nue qui émergeait de l’armure prenait un caractère de grandeur sauvage. Il criait :
    – Il y a trop de misère dans le peuple. Il faut remédier à la misère du peuple !
    À la vue de la bannière de Bourgogne en samit (sorte de taffetas) portant les deux fleurs de lis, à la vue de la croix rouge de Saint-André plaquée sur les cuirasses, les portes s’étaient fermées d’abord, les passant avaient pris la fuite, il y avait eu dans la rue les cris d’effroi des femmes, les malédictions sourdes des hommes, la rumeur d’une ville prise d’assaut qui voit entrer l’ennemi. Puis, quelques fenêtres s’étaient ouvertes curieusement. On avait écouté avec stupeur, avec méfiance. On avait vu les statues d’acier faire des signes amicaux. Puis, quelques enfants s’étaient hasardés, pareils à ces souris de la fable qui font quatre pas, rentrent, sortent encore. Puis, des bourgeois étaient sortis de leur logis en criant :
    – Vous êtes donc avec nous, monseigneur ?
    – Oui, oui, par Notre-Dame ! Assez de luxe effronté ! Assez d’or et de pierreries sur les robes ! Assez d’impôts suçant la moelle et le sang du peuple !
    Bientôt, des groupes se formèrent, qui commencèrent à suivre. Bientôt, les bourgeois furent mille, dix mille. Bientôt ce fut une foule énorme, enthousiaste, entourant, précédant, serrant de près les cavaliers de Bourgogne, confondue avec eux, hommes femmes, enfants, bras dessus bras dessous, un vaste fleuve humain qui coulait en grondant avec des flux et reflux de ses flots agités, une cohue délirante, tandis que le tocsin se mettait à sonner, et que retentissaient les cris : « Aux armes ! Aux armes ! » Et de cette multitude immense, bientôt monta une formidable clameur :
    – Noël ! Noël ! La misère du peuple est finie ! Bourgogne ! Vive Bourgogne !…
    Lorsque Jean sans Peur rentra à l’hôtel de Bourgogne, Paris était à lui.
    Un

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