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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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d’éternelle amitié, se retirèrent. Ocquetonville, en traversant la grande salle, fit le même signe de recommandation qu’avait fait Bois-Redon. Seulement, au lieu d’aller à Jacquemin Gringonneur, ce signe s’adressa à Bruscaille, Bracaille et Brancaillon qui continuaient à boire de l’hydromel. Au geste impérieux d’Ocquetonville, Bruscaille répondit par un clignement des yeux qui voulait dire : Soyez tranquille !
    Le chevalier de Passavant une fois seul appela Thibaud Le Poingre.
    – Votre dîner était charmant, dit-il. Mais ce n’est pas tout. Il me faut maintenant une bonne chambre, car je ne vous cache pas mon intention de m’établir chez vous jusqu’à nouvel ordre.
    Thibaud ne fit pas la grimace. Ou, s’il la fit, ce fut en dedans.
    – Votre Seigneurie m’honore, dit-il. Oserai-je seulement lui demander ce qu’elle entend par ce terme un peu vague et peu usité dans le commerce : jusqu’à nouvel ordre ?
    – C’est-à-dire jusqu’à ce que j’aie fait fortune, dit le chevalier de son ton narquois.
    Thibaud avait de la finesse. À la réponse du chevalier, il prit une physionomie des plus larmoyantes et des plus désolées.
    – Eh bien ? qu’avez-vous donc ? fit le chevalier.
    – Je pleure, mon gentilhomme. Car si vous me dites que vous ne prenez vos quartiers chez moi que jusqu’au jour où vous aurez fait fortune, je suis sûr de bientôt perdre votre clientèle. Un homme comme vous, je m’en suis bien aperçu tantôt, ne peut manquer d’attirer sous peu les faveurs de la Fortune, et d’avance, je regrette votre départ de mon auberge.
    – Allons, pas mal, fit le chevalier en riant. Mais je vous promets que, quand la fortune m’aura souri, je vous garderai ma clientèle et vous amènerai même des dîneurs capables d’apprécier votre talent.
    Le Poingre parut goûter fort la perspective. Il essuya donc avec son tablier blanc les larmes de ses petits yeux qui, il faut le dire, pleuraient tout naturellement, et, reprenant sa figure la plus joyeuse :
    – Ainsi donc, Votre Seigneurie désire une chambre ? Nous avons justement au deuxième étage…
    – C’est-à-dire sous les toits, hein ?…
    – Oh ! de merveilleux toits en bonne ardoise. Je disais donc que j’ai là un cabinet magnifique où Votre Seigneurie sera mieux logée…
    – Que Job sur son fumier, maître Thibaud. Écoutez. Ma Seigneurie sera logée au premier étage, sur la rue, dans la meilleure chambre. Faute de quoi, Ma Seigneurie est décidée à faire à votre ventre l’honneur de le perforer avec cette jolie rapière. Soyez homme d’esprit jusqu’au bout, monsieur Thibaud Le Poingre !
    Comme tout à l’heure, Thibaud regarda le chevalier dans les yeux et dit :
    – Eh bien ! oui, venez !
    – Ventre-Joye ! dit Passavant.
    Thibaud tressaillit d’aise et conduisit son hôte au premier où il lui ouvrit une chambre qui, pour ne pas être magnifique, n’en possédait pas moins un excellent lit, un bon fauteuil, et le reste à l’avenant. L’hôte se retira en fermant la porte, et presque aussitôt cette porte se rouvrit pour livrer passage à un grand diable dégingandé, haut sur pattes, tout en longueur, avec de longues jambes, un long buste, un long cou, comme le héron de La Fontaine. En sus de toutes ces longueurs, il avait une longue rapière qui battait ses mollets décharnés. Passavant, les yeux écarquillés, considérait ce visiteur qui s’inclina et dit d’une voix nasillarde :
    – Est-ce bien à monsieur le chevalier de Passavant que j’ai l’honneur de faire ma très humble révérence ?
    – Encore un qui me connaît ! se dit le chevalier. Peste ! mais tout le monde me connaît donc en cette auberge ? Je vous préviens que j’ai dîné deux fois aujourd’hui, dit-il.
    – Ma foi, j’en suis fort aise, dit le visiteur en nasillant de plus belle.
    – Je vous dis cela pour que vous ne preniez pas la peine de m’inviter.
    – C’est donc bien à monsieur le chevalier de Passavant que…
    – Vous avez l’honneur… Oui, oui et oui. Bon. Maintenant que vous l’avez, l’honneur, que me voulez-vous ?
    – Je désirerais avoir aussi cet autre honneur de vous inviter…
    – Non, vous dis-je !
    – Vous inviter à goûter…
    – Mais non, que diable !
    – À goûter avec moi d’un certain vin des Îles que maître Le Poingre réserve pour moi – et pour le roi !
    Et l’inconnu décrivit un tel accent circonflexe pour saluer

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