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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Juno !
    – M’assommer avec ce sac ?
    – Elle espérait, elle, vous assommer du coup, vous ayant jugé pauvre. Mais il paraît qu’on ne vous assomme pas si facilement.
    – Non, dit tranquillement le chevalier. Vouliez-vous donc m’empoisonner avec cette piquette que vous appelez du nectar ?
    Gringonneur demeura un moment muet. Puis, saluant très bas :
    – Tenez, monseigneur, je vous demande grâce. Je m’avoue vaincu. Je vous ai vu jeune sans un sol, et triple niais que je suis, je ne vous ai pas compris tout de suite. J’y suis ! Ma mauvaise intention, c’était de vous engager à prendre du service auprès de la princesse…
    – Engagez, engagez, je n’y vois pas de mal. Au fait, comment s’appelle-t-elle ?
    – Elle se réserve de vous le dire elle-même qui elle est, mon gentilhomme.
    – Ah !… En sorte que, revenu à de meilleures intentions à mon égard, vous voulez donc m’engager…
    – À la fuir, mon capitaine, à la fuir !
    Gringonneur avait baissé la voix, et jetait autour de lui un regard de défiance.
    – Oh ! oh ! fit Passavant. Et pourquoi la fuir ? Serait-ce une méchante femme ?
    – Elle ?… Oh ! non, sur mon âme ! Non… mais… si vous entrez à son service…
    – Eh bien ?…
    – Eh bien, il vous faudra fréquenter à l’Hôtel Saint-Pol !…
    La voix de Gringonneur baissa encore. Un frisson le secoua. Son regard posé sur le chevalier refléta une sorte de pitié. Passavant avait tressailli.
    – L’Hôtel Saint-Pol ! murmura-t-il, pensif. Vous me détournez de l’Hôtel Saint-Pol… Ah ! oui, je comprends… À cause de la tour Huidelonne, n’est-ce pas ?
    – La tour Huidelonne, frémit Gringonneur. Vous connaissez la Huidelonne ?
    – J’en ai entendu parler, dit Passavant avec son sourire narquois.
    Quelques instants, Jacquemin Gringonneur demeura silencieux et sombre. Longuement, il inspecta la salle. Il alla ouvrir la porte, jeta un coup d’œil dans l’escalier, puis, revenant s’asseoir, il vida son gobelet d’un trait. Alors, se penchant vers le chevalier, dans un murmure de terreur :
    – Non, dit-il, ce n’est pas à cause de la Huidelonne que je vous engage à fuir l’Hôtel Saint-Pol, bien que la Huidelonne soit quelque chose de terrible. Seulement, à l’Hôtel Saint-Pol, vous allez sûrement, fatalement, vous heurter à quelqu’un dont le contact est mortel, dont l’amour empoisonne, dont la haine foudroie, dont le regard tue, dont le sourire brûle, dont la pensée dévorante jaillit en gerbes de flamme dont chacune va étreindre, embraser, consumer, anéantir un homme…
    – Et cet être effrayant, c’est ?…
    Dans un souffle, Gringonneur répondit :
    – C’est Isabeau de Bavière, reine de France !
    Le chevalier de Passavant, tout brave qu’il était, eut à la nuque le petit frisson, rapide et froid des peurs nerveuses. Pourtant, il ne connaissait rien de la réputation tragique d’Isabeau. Mais cet homme, ce joyeux Gringonneur avait eu, en prononçant ce nom, cette voix sourde où grelotte l’épouvante, qui, peut-être, va exploser en malédiction, ou peut-être finir en râle d’horreur.
    Tout de suite, Passavant secoua cette impression, et dit, de son air tranquille :
    – Maître Gringonneur, je vous assurais que je suis un ami du roi, et j’ai mes raisons pour cela, vous disais-je. Eh bien, sachez que je suis un ami de la reine, et que j’ai également de très bonnes raisons pour cela.
    – Impossible ! dit Gringonneur. On ne peut être à la fois l’ami du roi et l’ami de la reine.
    – Et pourquoi ? fit Passavant.
    – Parce que si vous éprouvez quelque pitié pour le pauvre mouton bêlant, vous devez haïr la louve dévorante, la louve qui le guette, va fondre sur lui, demain, ou aujourd’hui, ou dans six mois, peu importe, mais qui a l’œil sur lui, et le dévorera.
    Passavant se taisait. Un inexprimable malaise s’emparait de lui. Mais trop fier pour le laisser voir, il gardait ce visage paisible, curieux, de l’homme venu de très loin qui, pour la première fois, se promène à travers une société qu’il ignore et qu’il veut comprendre.
    Gringonneur emplit son gobelet, et puis le vida d’une lampée.
    – Avouez, mon gentilhomme, avouez que ce n’est pas de la piquette…
    – C’est du nectar, dit Passavant du même ton qu’il avait eu pour dire : Ce vin est supportable.
    – Tenez, mon gentilhomme, on voit que vous ne la connaissez pas,

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