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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Bavière…
    Sur un dernier geste d’Isabeau, le chevalier de Passavant se recula, et aussitôt l’espace vide fut comblé ; un remous porta aux pieds de la reine le flot d’ardente passion dont chaque goutte était un homme.
    – Qui est-elle ? songeait Passavant.
    Il se perdit parmi les tourbillons.
    – Est-elle vraiment une strige affreuse ? songeait le chevalier. Tuer !… Moi !… Tuer une femme !… Et même épée contre épée, que m’a-t-il fait, ce Champdivers ?…
    Son esprit s’exaltait ; des laves brûlantes coulaient dans ses veines ; la fièvre énorme qu’il respirait s’infiltrait en lui. Et maintenant, il n’était plus l’inconnu. De hauts seigneurs lui parlaient, espérant être vus de la reine tandis qu’ils souriaient au favori. Des invitations, de subtiles félicitations, de sourdes menaces dans un compliment. De très jolies femmes lui faisaient des mines très douces, le frôlaient au passage. Et lui, éperdu, se disait :
    – Elle est la fée enivrante dont le regard a brûlé mon sang. Et si elle est menacée comme elle dit ? Elle a sauvé Roselys. Ne lui dois-je pas ma vie ? N’est-ce pas chose promise ?
    Par dessus des épaules nues qui cherchaient à le heurter, il regarda au loin, vers l’estrade, et vit que, de nouveau, le vide s’était fait autour d’Isabeau. Un homme vêtu avec une royale magnificence lui parlait à voix basse. Le chevalier reconnut le duc de Bourgogne. Il eut au cœur la brûlure d’un fer chaud. Ils se chuchotaient des choses. Quoi ? Il eût donné deux ans de sa pauvre vie encore si courte pour le savoir. Il voyait le sourire de la reine et son regard de flamme. Sûrement, ils parlaient d’amour. Terribles amours, alors ! Car voici les paroles qu’ils échangeaient :
    « La reine » – Demain, à la nuit, Louis d’Orléans sera chez moi. Je le renverrai à onze heures. Pour regagner son hôtel, il faudra qu’il passe par la rue Vieille-Barbette…
    « Jean sans peur » – Demain, à onze heures, il y aura quelqu’un d’aposté rue Vieille-Barbette… Quelqu’un dont l’épée ne pardonne pas.
    «  La reine » – Il ne faut pas que ce soit un homme de votre maison.
    « Jean sans peur » – Il n’est pas de ma maison. S’il est saisi, nul ne saura que c’est moi qui ai armé l’homme et nul ne saura que vous avez armé ma haine.
    Voilà ce qu’ils disaient, parmi des sourires très doux et des regards d’amour qui faisaient frissonner le chevalier de Passavant. Les milliers de passions éparses dans l’atmosphère langoureuse et lourde provoquaient en lui la passion. Il souffrait de ces sourires d’Isabeau pour Jean de Bourgogne. La crise de jalousie se déchaîna en lui, sa tête s’égara, il marcha sur Isabeau.
    Dans ce moment, comme tout à l’heure, la voix aux sonorités d’airain domina le tumulte :
    – Le roi ! Le roi ! Place au roi !…
    Mais cette fois, la multitude bruissante et chatoyante ne se figea pas dans l’attitude d’adoration. À peine le respect accordé à ce roi comme une aumône baissa-t-il d’un ton pendant quelques secondes la voix des ivresses éparses.
    Charles VI entra précipitamment, courut à l’estrade, se laissa tomber dans son fauteuil, jeta un long regard sur la salle et, se renversant au dossier, éclata de rire.
    Jean sans peur s’était reculé. Tout le monde put le voir se diriger, tout souriant, vers une partie de la salle formant une sorte de retrait, et où, joyeuse, animée, passionnée, mais plus délicate de pensée et de geste, plus noble d’attitude, se tenait à l’écart une petite assemblée devisant de choses légères et gracieuses. Le maître de ce petit monde à part, élégant, doucement sceptique, ne croyant même plus aux fortes passions qui grondaient autour de lui, c’était Louis d’Orléans. Le frère du roi tenait là sa cour. Tout le monde, disions-nous, vit donc le duc de Bourgogne marcher à Louis d’Orléans, et lui donner la main – geste d’amitié dont l’usage, semble-t-il, fut apporté alors par les Anglais, maîtres d’une partie du royaume. On les vit s’asseoir côte à côte, se parler à l’oreille, rire de ce qu’ils se disaient… La réconciliation était complète, sincère, loyale.
    Quelqu’un regardait cela de loin, l’esprit perplexe, la physionomie masquée de joie.
    C’était le duc de Berry. Il était évidemment radieux. Il n’avait que d’aimables paroles pour quiconque s’approchait

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