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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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d’Ocquetonville, est-ce que vous ne m’avez pas donné rendez-vous pour demain matin derrière l’abbaye de Saint-Germain ?
    Ocquetonville mit dans son attitude et son verbe tout ce qu’il put trouver en lui d’insolence :
    – Il me plaît de changer l’heure et le lieu du rendez-vous. J’aime mieux ici que sur le Pré-aux-Clercs, ce soir que demain. Voilà !
    – Oui, et puis ce soir, mon digne coupe-jarret « tu es quatre ! » Hein ? Avoue que tu as eu peur, Ocquetonville.
    – Allons, messieurs, dit Guines en dégainant, je crois que nous perdons notre temps. Nous allons faire connaissance avec cette rapière que monsieur prétend si bien pendue.
    – Tu te trompes, Guines ! dit le chevalier avec son terrible accent de douceur.
    Guines feignit un étonnement exagéré. Il tourna la tête à droite et à gauche. Et il ricana :
    – Ce bélître a dit, je crois, que je me trompe ?…
    – Il l’a dit, affirma gravement le chevalier.
    – Messieurs, messieurs, qu’est-ce à dire ? Voudrait-il insinuer qu’il a eu l’honneur de croiser sa broche de cuisine contre cette épée de gentilhomme ?…
    – L’honneur ? Oui, dit le chevalier. Quatre honneurs, devons-nous dire. Car vous étiez quatre au Val d’Amour, où la broche vous a marqués comme des oisons. Ah ! Ce n’est pas moi qui l’ai dit ! Pour vous toucher au visage tous quatre, une épée, c’était de trop : une broche de cuisine suffisait. Je vous reconnais, drôles, je vous ai marqués pour le tournebroche.
    Cette fois, l’étonnement ne fut pas feint. Tous quatre ouvrirent des yeux féroces. Du regard, ils dévorèrent Passavant qui, la main à la garde de la rapière, attendait, l’air paisible et naïf. Soudain, il y eut un rugissement de rage, de satisfaction, de haine, de joie furieuse… ils le reconnaissaient !
    – Je me disais aussi ! vociféra Ocquetonville, où ai-je vu cette hure ?…
    – Tripes du pape, hurla Scas, je savais bien que je connaissais cette couenne de porc !…
    – Chargeons ! gronda Guines.
    – En avant ! À mort ! Étripons-le, pendons-le et grillons-le ! rugit Courteheuse.
    D’un bond, le chevalier fut derrière la table, la rapière au poing. Les quatre s’avancèrent sur une seule ligne hérissée de huit pointes qui luisaient vaguement : les quatre épées aux mains droites, les quatre dagues aux mains gauches, et cela faisait un formidable engin de meurtre… Tout à coup, ils se ruèrent.
    – Attention à vos joues ! cria Passavant.
    Sa rapière décrivit un éblouissant demi-cercle. Scas hurla. Seul il était touché.
    – Sang du Christ ! – Nombril du diable ! – Couronne de la Vierge ! – Flamme d’enfer !
    Les quatre clameurs fusèrent ensemble. Au même moment, la table fut renversée. Passavant porta un coup de pointe, et un coup de revers ; du premier, il piqua Ocquetonville à la gorge ; du second, il atteignit Courteheuse à l’épaule. Ils étaient sur lui, jurant, sacrant, écumant, bondissant ; il parait à droite, parait à gauche, se mettait d’un bond hors d’atteinte. Ils étaient haletants. La sueur dégouttait de leurs visages. Ils avaient ainsi arpenté les deux tiers de la salle. Trois déchirures au justaucorps de Passavant. De l’une d’elles perlaient des gouttes de sang. Ils rugirent :
    – Il en tient ! Il en tient !
    – Tu es mort ! dit Passavant qui se fendit à fond sur Ocquetonville.
    Sa rapière se brisa net. Ocquetonville éclata de rire : Il portait cuirasse d’acier sous le satin !
    – Il est à nous !…
    – Pas encore !
    Le sanglier acculé, à demi éventré, tenait encore tête aux chiens. Il secoua rudement la tête et saisit son tronçon de rapière. Le pommeau devint massue. Il frappait à tour de bras ; en même temps, près de lui, il vit une petite porte ouverte. Haletant, à bout d’haleine, il s’y glissa…
    Les quatre voulurent s’élancer.
    – Non ! dit une voix derrière eux.
    Ils se retournèrent, et virent le duc de Bourgogne, sombre comme le génie du crime. Un moment, il demeura pensif, les contemplant tous les quatre, si épuisés, si déchirés, si écumants qu’on eût dit qu’ils venaient de combattre une armée. Lentement, il murmura :
    – C’est dommage… c’était un brave…
    Et il ferma à clef la porte du petit escalier où Passavant venait de s’engager… du petit escalier qui aboutissait à la salle basse où attendaient les trois tigres :

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