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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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tuez-vous pas ?
    – On ne tue pas les morts, dit Bragaille, qui se signa.
    De nouveau le silence pesa sur le groupe. Passavant frémissait. Il soupçonnait qu’il avait affaire à des fous.
    Bruscaille s’avança de deux pas, après s’être, à voix basse concerté avec ses deux acolytes.
    – Écoutez, dit-il. Ceci est une incroyable aventure et il faut que nous sachions qui vous êtes.
    – Encore ? Mais, par la Croix-Dieu, je suis Passavant, mes drôles !
    – Oui, mais êtes-vous le mort ? Voilà ce qu’il faut savoir. L’histoire que je vais vous dire, jamais nul ne l’a sue. Entre nous, jamais nous ne la répétons, et pourtant elle est présente à nous en chaque instant de notre vie. Qui voudrait y croire ? Nous-mêmes, c’est à peine si nous y croyons, et pourtant nous portons en nos cœurs une épouvante qui ne finira qu’avec nos vies. C’est à cause de cette histoire que Brancaillon s’enivre tous les soirs, à l’heure où les ténèbres deviennent assez épaisses pour abriter des fantômes, et que Bragaille va tous les matins prier au maître-hôtel de Saint-Jacques de la Boucherie, et que moi qui vous parle j’ai les cheveux gris avant l’âge. C’était donc en nonante-cinq du siècle dernier, au mois de juin.
    À cette date qui lui était ainsi jetée, Passavant redressa vivement la tête et examina curieusement les trois spadassins.
    – Tous trois, nous fûmes saisis. Tous trois nous fûmes amenés quelque part dans la Cité. Nous étions insoucieux, jeunes, hardis, rieurs. Et le lendemain, nous étions à jamais inquiets, vieillis, tremblants et tristes ; c’est que nous avions dès lors une compagne, une rude compagne : la Peur. Tenez, elle est ici en ce moment avec nous. Elle s’est penchée sur nous quand nous étions enchaînés sur nos escabeaux. Elle nous est entrée dans la peau quand le maudit, se promenant dans son antre, nous disait de prendre patience, parce que le mort allait venir, et…
    – Et le mort est venu ? interrompit Passavant. Il est venu sur les épaules d’un homme qui l’apporta tout ruisselant d’eau, tout raide, tout pareil à un cadavre ?
    Les trois spadassins reculèrent.
    Passavant était pâle. L’évocation de la scène de la Cité faisait trembler ses nerfs. Il continua :
    – Et vous, vous regardiez comme on regarde sans doute dans la nuit de la tombe. Vous regardiez le mort sur la table de marbre, vous regardiez le sorcier qui approchait sa griffe d’acier ?
    – Oui, oui ! grondèrent les estafiers livides.
    – Et le mort s’est levé ! Il vous a délivrés, il vous a conduits à travers les trois salles jusqu’à la porte, jusque dans la rue aux Fèves – et vous vous êtes sauvés. Je vous reconnais. Vous êtes les trois vivants !
    Ils se regardèrent un instant et tous trois dirent ensemble :
    – C’est lui ! C’est notre sauveur !
    Dans la même seconde, tous trois tombèrent à genoux et se découvrirent. La tête nue, ils se courbèrent devant le chevalier.
    – Allons, debout ! dit Passavant, bouleversé d’émotion devant cette explosion de reconnaissance naïve et profondément sincère.
    Ils obéirent, et brusquement ils éclatèrent de rire. Bruscaille disait :
    – Jamais nous ne nous racontions l’histoire, mais nous parlions de vous, monseigneur.
    – Tous les jours, fit Bragaille. Vous étiez présent parmi nous.
    – Je leur disais que vous aviez dompté le sorcier ; ils ne voulaient pas le croire, dit Brancaillon.
    – Vous ne voulez donc plus me tuer ? dit Passavant.
    – Vous tuer ! se récrièrent-ils.
    – Pourquoi faire ? dit Brancaillon.
    – Cette porte donne sur une cour et de là sur la rue, vous la franchirez quand vous voudrez, dit Bragaille.
    – Eh bien ! ouvrez-la-moi, car je vous cache pas, mes braves, que j’ai un rendez-vous pressé.
    – Tout à l’heure ! fit Bruscaille. Vous tuer ! Pour qui nous prenez-vous ? Parce que nous avons plaisanté tout à l’heure, vous croyez…
    – Silence ! gronda Bragaille, la main levée.
    La porte du haut de l’escalier venait de s’ouvrir et de se refermer.
    – C’est le duc, murmura Brancaillon en pâlissant.
    Bruscaille se pencha à l’oreille de Passavant, et d’une voix précipitée :
    – Il y a deux cents hommes d’armes dans l’hôtel ; dans cinq minutes nous les aurons sur le dos et nous serons exterminés tous les quatre. Voulez-vous avoir confiance ?
    Passavant le regarda dans les

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