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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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des machines auxquelles rien ne résiste et qui n’ont pas besoin de se hâter.
    Passavant les vit tels qu’ils étaient : des êtres de mort, asservis à la nécessité de tuer, se délectant au sang versé et sûrs qu’ils accomplissaient un devoir.
    Ils marchèrent, les nerfs tendus, les poings crispés, les traits convulsés… Tout à coup, le groupe se disloqua, fendu, éventré, Bruscaille et Bragaille roulant à gauche, Brancaillon ébranlé sur sa base granitique chancelait à droite, tous trois stupides, effarés de ce bolide qui venait de les heurter – et Passavant, par la trouée, se ruait sur la porte qu’il avait examinée.
    Elle était fermée !…
    Il s’y adossa, haussa les épaules, s’apprêta à bien mourir puisqu’il n’y avait plus moyen de vivre. Les trois assassins se remettaient de l’alerte, ils se retournèrent et virent la victime debout contre la porte du fond. Brancaillon le regardait avec admiration. Bruscaille frottait ses côtes, Bragaille cracha une dent. Quelques secondes, ils se turent. Et Brancaillon, alors, prononça :
    – Je savais bien qu’il finirait par entrer.
    – Allons ! dit Bruscaille d’un ton bref.
    Brancaillon eut un mouvement de pitié.
    – Dépêchez-vous, mon gentilhomme, de dire un bon « Pater ». Un homme qui a les poings que vous avez a le droit de mourir en bon chrétien.
    Le chevalier se mit en garde et dit :
    – Merci, bourreau. Je me contenterai de mourir en bon Passavant.
    Et dans cette seconde où il vit dans l’air l’éclair des trois dagues levées, où lui apparurent les faces flamboyantes et convulsées des assassins rués sur lui, inconsciemment, peut-être, il poussa pour la dernière fois son cri de bataille :
    – Hardi ! Passavant le Hardi !…
    Au même instant, il fut pétrifié de stupeur. Ce qui se passait lui apparaissait comme un rêve, avec toutes ses invraisemblances. Les trois dagues levées sur lui ne s’abaissèrent pas ! À son cri, pareil à un talisman, les assassins reculèrent. Ils étaient livides. Ils claquaient des dents. Brusquement, ils exécutèrent la manœuvre. Dos à dos, ils formèrent un triangle dont chaque sommet était une pointe d’acier. Le front ruisselant, les yeux exorbités, ils attendirent. Passavant regardait cela sans comprendre, ayant vaguement la sensation qu’il vivait un cauchemar et qu’il allait se réveiller.
    – As-tu entendu ? dit Bruscaille d’une voix haletante.
    – Oui, fit Brancaillon dans un souffle de terreur. Il a dit « Passavant ! »
    – Le nom du mort ! « de l’enfant mort ! » râla Bragaille.
    Pendant quelques minutes, ils revécurent l’épouvante et l’horreur de jadis : l’ineffaçable empreinte de la terreur. Ils se revirent sur les tabourets, garrottés, bâillonnés. Le hideux, l’inoubliable rêve de leur adolescence, à jamais imprimé dans leurs cervelles, ils en subirent les phases diverses, les effroyables péripéties, jusqu’à la seconde de la délivrance, jusqu’à cet instant où l’enfant mort, étendu sur la table de marbre, se levait – autre cauchemar ! – et tranchait leurs cordes, et les délivrait, et les poussait dehors !
    Avec l’abominable sensation, le nom du mort s’était gravé, taillé dans leurs mémoires comme dans un granit. Ce nom, pour la première fois, ils l’entendaient prononcer, avec la même intonation de bataille, la même voix frissonnante de vie, d’espoir, d’inconsciente gaieté… Lentement, l’impression se fondit, s’estompa.
    Ils se retrouvèrent en ligne devant le chevalier effaré.
    Ils tremblaient encore et s’essuyaient le front. Il eût pu, dans l’une quelconque de ces mains, prendre la dague, les égorger tous trois, ils n’eussent pas résisté. Brancaillon bredouilla :
    – Êtes-vous vraiment Passavant ? Passavant le Hardi ?
    – Eh ! bélître, fit le chevalier, qui te permet d’en douter ?
    Ils se turent. De lentes et lourdes pensées, quelques instants, évoluèrent en rampant au fond de leurs cerveaux. Et Brancaillon, timide :
    – Vous n’êtes donc pas « mort ?… » Vous n’étiez donc pas « mort ? » En ce temps, vous étiez « mort ». Et vous voici « vivant ». Est-ce bien « vous ?… » Êtes-vous bien « lui ? » Je ne…
    – Tu ne comprends pas, hein ? dit le chevalier.
    – Non, répondit simplement. Brancaillon.
    – Moi non plus, dit Passavant. Je veux être écorché si je comprends. Pourquoi ne me

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