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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Bruscaille, Bragaille et Brancaillon.
    – Pas une minute à perdre, dit Jean sans Peur, de cette voix que l’émotion rend sèche, aux heures décisives où se joue l’existence d’un homme. Êtes-vous encore solides ?
    Ils se redressèrent, farouches, héroïques de dévouement forcené.
    – Notre vie pour la vôtre, dit Guines pour lui et les autres. Que faut-il faire ?…
    – Changer de vêtement, d’abord, et ne porter sur vous aucun insigne de Bourgogne. Puis, vous rendre tout d’une traite rue Barbette… écoutez… Louis d’Orléans va passer par là !…
    Ils frémirent. Leurs narines reniflèrent l’odeur du sang. Jean sans Peur, la voix âpre, acheva :
    – Venez, venez ! Je vais vous dire ce qu’il faut faire. Mais écoutez ceci : Louis d’Orléans vit en ce moment sa dernière heure. Il le faut. S’il en échappe, par le Dieu vivant, je vous jure que c’est ma mort.
    Et d’un accent qui les électrisa :
    – La mort de votre maître !
     
    Franchie la petite porte ouverte comme un traquenard, le chevalier de Passavant se vit dans un étroit escalier tournant. Il descendit trois ou quatre marches, prenant ses dispositions pour organiser dans ce boyau sa dernière défense.
    Tout à coup, il entendit la porte se fermer. Il fut dans le silence et les ténèbres, le cœur plein de défiance, l’esprit farouche. Pourquoi l’enfermait-on ?
    Brusquement, il se heurta à quelque chose qu’il comprit être une porte de fer : il était arrivé à la dernière marche. Il recula vivement à l’attouchement du fer, et frissonna :
    – La porte de la Huidelonne ! La porte du cachot ! La porte de la tombe !
    Au même instant, cette porte s’ouvrit ! d’un coup d’œil il embrassa la salle basse qui, en effet, ne ressemblait pas mal à un cachot, et là-dedans, trois geôliers pour un : les trois estafiers qui l’attendaient. Tout aussitôt, il eut la sensation que ce n’étaient pas des geôliers, mais des assassins. Ils avaient la dague à la main. Le plus grand avait retroussé sa manche et balançait son énorme poing, masse de boucher. Passavant reconnut aussitôt ses trois espions de l’auberge.
    – Entrez, dit Bruscaille aimable et sinistre, en faisant un signe de la main.
    Bragaille répéta l’invite.
    – Entrez donc, mon digne gentilhomme. N’ayez pas peur, la chose sera faite proprement ; vous ne vous en apercevrez même pas.
    Mais déjà Brancaillon brûlait de placer son mot. Plus brutal, il grogna :
    – Entrez, qu’on vous dit ! Faut-il qu’il soit têtu ! On lui dit d’entrer, il recule… C’est pourtant bien simple d’entrer. Il ne comprend pas.
    – Du calme ! reprit Bruscaille conciliant. Il comprend très bien, au contraire.
    – Alors ? fit Brancaillon. C’est moi qui ne comprends pas, peut-être ?
    – C’est sûr ! dit Passavant railleur.
    Brancaillon fut stupéfait. Bragaille et Bruscaille ôtèrent leurs bonnets et saluèrent. Si informes que fussent ces âmes obscures, les deux coupe-jarrets comprirent ce qu’il y avait de courage fantastique dans le mot de cet homme qui allait mourir et s’amusait aux dépens de l’un des bourreaux.
    – Tu vois ? disent-ils. Ce gentilhomme te juge incapable de comprendre.
    – Alors, gronda Brancaillon, il dit que je suis un imbécile ?
    – Je ne le dis pas, se mit à rire Passavant, je le pense seulement.
    – À la bonne heure ! grogna Brancaillon.
    Bruscaille se tenait les côtes. Bragaille étouffait à force de rire. La scène touchait à l’horrible. Vraiment, cela dégageait de l’horreur, cet accès de gaieté folle. Passavant, attentif, en garde, les étudiait avec cette nerveuse et maladive curiosité qui vous saisit devant les phénomènes incompréhensibles. Il étudiait aussi la salle. Juste en face de lui, au fond, il y avait une autre porte. Fermée il est vrai. Et tandis qu’il surveillait les trois bourreaux, il se disait :
    – Si je pouvais gagner d’un bond cette porte ! Si je pouvais l’ouvrir ! Où donne-t-elle ? Peu importe. Ce serait toujours quelques minutes de gagnées, la vie peut-être.
    À ce moment Bruscaille et Bragaille, ayant essuyé les douces larmes de gaieté qui leur coulaient des yeux, se touchaient du coude :
    – Dis donc, Bragaille, puisque le noble gentilhomme ne veut pas entrer…
    – Oui. C’est nous qui irons à lui. Nous lui devons bien cet honneur…
    Ils s’avancèrent. Ils avaient cette lenteur prudente et forte

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