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L'Ile du jour d'avant

L'Ile du jour d'avant

Titel: L'Ile du jour d'avant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Umberto Eco
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en Europe. Connaissant l’heure de passage, il devenait possible de calculer le méridien.
    Il ne restait qu’à attendre l’épreuve des faits. Dans cette période Byrd s’éloignait toujours autour de onze heures : on s’approchait donc de l’antiméridien. Il faudrait qu’il l’attende caché près de la bête, vers cette heure-là.
    Il eut un coup de chance, si de chance on peut parler pour un coup de chien qui conduirait ce navire, et tous ceux qui l’habitaient, à la dernière des malchances. La mer était déjà très agitée cet après-midi-là, et Roberto avait pu ainsi accuser un état nauséeux, un remuement d’estomac, pour se réfugier dans sa chambre et déserter le souper. Juste avant la tombée de la nuit noire, quand personne ne songeait encore à monter la garde, il était descendu, furtif, dans le fond de cale, ne tenant qu’un fuzil et une corde goudronnée avec quoi il éclairait sa marche. Il avait rejoint la bête et vu, au-dessus de sa couche, des planches chargées de bottes de paille qui servait à renouveler les paillasses empuanties des passagers. Il s’était frayé un chemin au milieu de ce matériel et creusé une niche d’où il ne pouvait plus voir le chien, mais lorgner qui se trouvait devant lui, et bien sûr écouter tout propos.
    L’attente avait duré des heures, rendue plus longue encore par les gémissements de la très malheureuse bête, mais enfin il avait entendu des bruits et aperçu des lumières.
    Peu après il se trouvait témoin d’une expérience qui avait lieu à quelques pas de lui, en la présence du docteur et de ses trois assistants.
    — Tu notes, Cavendish ?
    — Aye aye, docteur.
    — Attendons donc. Il se plaint trop ce soir.
    — Il sent la mer.
    — Sage, sage, Hakluyt, disait le docteur qui calmait le chien avec quelques hypocrites caresses. Nous avons mal fait de ne pas arrêter une séquence fixe d’actions. Il faudrait toujours commencer par le lénitif.
    — Ce n’est pas dit, docteur, certains soirs à la bonne heure il dort, et il faut le réveiller avec une action irritante.
    — Attention, j’ai l’impression qu’il s’agite… Sage Hakluyt… Oui, il s’agite ! » Le chien émettait à présent des aboiements dénaturés. « Ils ont exposé l’arme au feu, enregistre l’heure, Withrington !
    — Ici il est environ onze heures et demie.
    — Contrôle les horloges. Dix minutes environ devraient passer. »
    Le chien continua à clatir pendant un temps interminable. Puis il émit un son différent, qui s’éteignit en un « arff arff » tendant à s’affaiblir jusqu’à ce qu’il laissât place au silence.
    — Bien, disait le docteur Byrd, les temps, Withrington ?
    — Cela devrait correspondre. Il est minuit moins le quart.
    — Ne chantons pas victoire. Attendons le contrôle.
    Suivit une autre interminable attente, puis le chien, qui d’évidence s’était assoupi en éprouvant un soulagement, hurla de nouveau comme si on lui avait marché sur la queue.
    — Temps, Withrington !
    — L’heure est écoulée, il manque quelques grains de sable.
    — L’horloge donne déjà le minuit, dit une troisième voix.
    — Cela nous suffit, me semble-t-il. Maintenant, messieurs, dit le docteur Byrd, j’espère que l’irritation va cesser tout de suite, le pauvre Hakluyt ne tient pas. De l’eau et du sel, Hawlse, et le bout de tissu. Sage, sage, Hakluyt, maintenant tu vas mieux… Dors, dors, sens ton maître qui est ici, c’est fini… Hawlse, le somnifère dans l’eau…
    — Aye aye docteur.
    — Voilà, bois, Hakluyt… Sage, allons, bois la bonne eau… Un timide jappement encore, puis silence à nouveau.
    — Excellent, messieurs, disait le docteur Byrd, si ce maudit navire ne se trémoussait pas de cette façon indécente, nous pourrions dire que nous avons eu une bonne soirée. Demain matin, Hawlse, le sel habituel sur la blessure. Tirons les conclusions, messieurs. Au moment crucial, ici nous étions proches de minuit, et de Londres on nous signalait qu’il était midi. Nous sommes sur l’antiméridien de Londres, et donc sur le cent quatre-vingt dix-huitième des Canaries. Si les Îles de Salomon sont, comme veut la tradition, sur l’antiméridien de l’île du Fer, et si nous sommes à la bonne latitude, en naviguant vers l’ouest avec un bon vent en poupe, nous devrions aborder à San Christoval, ou comme nous rebaptiserons cette maudite île. Nous aurons trouvé ce que les

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