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L'Ile du jour d'avant

L'Ile du jour d'avant

Titel: L'Ile du jour d'avant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Umberto Eco
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à soie, à l’intérieur duquel on apercevait deux cribles, l’un au-dessus de l’autre, qui le divisaient en trois chambres différentes. Le siphon recevait un ruissellement d’eau par un tube qui y pénétrait d’en bas à partir du sabord ouvert donnant de la lumière à ces lieux, et envoyait le liquide qui (grâce à quelque pompe cachée) était d’évidence aspiré directement de la mer, mais de telle sorte qu’il pénétrât dans le cocon mêlé à de l’air.
    L’eau entrait en force dans la partie inférieure du cocon comme si elle bouillonnait, elle formait un tourbillon contre les parois, et certes libérait l’air qui se trouvait aspiré dans les deux cribles. Par un tube qui réunissait la partie supérieure du cocon à la base des tuyaux, l’air allait se changer en chant par d’artificieux mouvements spirituels. Par contre, l’eau qui s’était accumulée dans la partie inférieure en sortait par un chalumeau et allait faire tourner les pales d’une petite roue de moulin, pour s’écouler ensuite dans une bassine métallique située au-dessous et, de là, à travers un autre tube, par le sabord.
    La roue actionnait une barre qui, s’engrenant avec le cylindre, lui communiquait son mouvement.
    Dans son ivresse, tout cela sembla d’abord naturel à Roberto, au point qu’il se sentit trahi lorsque le cylindre se mit à ralentir et que les tuyaux soufflèrent leur mélodie comme si elle s’étouffait dans leur gorge, alors que les cyclopes et le petit amour cessaient leurs battements. Évidemment – bien qu’à son époque on parlât beaucoup du mouvement perpétuel – la pompe dissimulée qui réglait l’aspiration et l’afflux de l’eau pouvait agir pendant un certain temps après une première impulsion, et puis elle arrivait au terme de son effort.
    Roberto ne savait pas s’il devait maintenant s’étonner davantage de ce savant technasme – car il avait entendu parler d’autres semblables, capables d’actionner des danses d’enfants morts ou de putti ailés – ou bien du fait que l’intrus – il n’aurait pu s’agir de rien d’autre – l’avait mis en action ce matin-là et à cette heure-là.
    Pour lui communiquer quel message ? Peut-être qu’il était vaincu au départ. La Daphne pouvait-elle celer encore tant de surprises analogues, qu’il aurait pu passer sa vie à chercher de les violer, sans espoir ?

    Un philosophe lui avait dit que Dieu connaissait le monde mieux que nous parce qu’il l’avait fait. Et que pour s’adapter, fût-ce de peu, à la connaissance divine il fallait concevoir le monde comme un grand édifice, et chercher à essayer de le construire. Ainsi devait-il faire. Pour connaître la Daphne , il devait la construire.
    Il s’était donc mis à sa table et avait dessiné le profil du vaisseau, s’inspirant et de la structure de l’Amaryllis et de ce qu’il avait vu jusqu’alors de la Daphne. Or donc, se disait-il, nous avons les logements du gaillard d’arrière et, dessous, la chambre du timonier ; encore dessous (mais encore au niveau du tillac), le corps-de-garde et la tamisaille où passe la barre de gouvernail. Celle-ci doit sortir à la poupe, et au-delà de cette limite il ne peut plus rien y avoir. Tout cela est au même niveau que la cuisine dans le gaillard d’avant. Ensuite, le beaupré repose sur un autre exhaussement, et là – si j’interprète bien les périphrases embarrassées de Roberto – devaient se situer ces emplacements où, le derrière dans le vide, on faisait à l’époque ses besoins. Si l’on descendait sous la cuisine, on arrivait à la dépense. Il l’avait visitée jusqu’au bout-dehors, jusqu’aux limites de l’éperon, et là aussi il ne pouvait y avoir rien d’autre. En dessous, il avait déjà trouvé les cordes et la collection des fossiles. Plus loin, on ne pouvait aller.
    Alors on revenait en arrière et l’on traversait tout le second-pont avec la volière et le verger. Si l’intrus ne prenait pas à loisir la forme d’un animal ou d’un végétal, il ne pouvait se cacher ici. Sous la barre de gouvernail, il y avait l’orgue et les horloges. Et là aussi on arrivait à toucher la carcasse.
    En descendant encore, il avait trouvé la partie la plus large du fond de cale, avec d’autres provendes, le lest, le bois ; il avait déjà frappé contre les flancs pour vérifier s’il n’y avait pas quelque faux fond qui donnât un son creux. La sentine n’autorisait pas, si

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