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L'Ile du jour d'avant

L'Ile du jour d'avant

Titel: L'Ile du jour d'avant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Umberto Eco
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le père Caspar Wanderdrossel, e Societate Iesu, olim in Herbipolitano Franconiae Gymnasio, postea in Collegio Romano Matheseos Professor, et non seulement, mais aussi astronome et savant ès tant d’autres disciplines près la Curie du Général de la Compagnie. La Daphne, commandée par un capitaine hollandais qui avait déjà essayé ces routes pour la Vereenigde Oost-Indische Compagnie, avait quitté bien des mois auparavant les côtes méditerranéennes, faisant la circumnavigation de l’Afrique, dans le but de parvenir aux Iles de Salomon. Exactement comme voulait faire le docteur Byrd avec l’Amaryllis, sauf que l’Amaryllis cherchait les Iles de Salomon en prenant le levant pour le ponant, tandis que la Daphne avait fait le contraire, mais peu importe : aux Antipodes on arrive de l’un et de l’autre côté. Sur l’Île (et le père Caspar indiquait plus loin que la plage, derrière les arbres) on devait monter l’Observatoire Maltais. Ce que pouvait être cet Observatoire n’était pas clair, et Caspar en murmurait ainsi que d’un secret si renommé que le monde entier en parlait.
    Pour arriver ici, la Daphne en avait mis du temps. On sait comme on allait alors de par ces mers. Une fois les Moluques quittées, et dans le dessein de naviguer au sud-est vers le Port Sancti Thomae en Nouvelle-Guinée, étant donné que l’on devait toucher les lieux où la Compagnie de Jésus avait ses missions, le vaisseau, poussé par une tempête, s’était perdu dans des mers jamais vues, parvenant à une île habitée par d’énormes rats de la taille d’un enfant, avec une queue fort longue et une poche sur le ventre, dont Roberto avait connu un exemplaire naturalisé (et même le père Caspar lui reprochait d’avoir jeté « un Wunder qui valait un Pérou »).
    C’étaient, racontait le père Caspar, des animaux amicaux, qui entouraient les hommes débarqués en tendant leurs menottes pour demander de la nourriture, allant jusqu’à les tirer par le vêtement, mais ensuite, à la reddition des comptes, de fieffés voleurs qui avaient dérobé du biscuit dans les poches d’un matelot.
    Qu’il me soit permis d’intervenir au plein crédit du père Caspar : une île de ce genre existe vraiment, et on ne peut la confondre avec aucune autre. Ces pseudo-kangourous se nomment Quokkas, ils ne vivent que là, sur la Rottnest Island, que les Hollandais venaient de découvrir et de baptiser rottenes , nid de rats. Mais comme cette île se trouve en face de Perth, cela signifie que la Daphne avait atteint la côte occidentale de l’Australie. Si nous pensons, par conséquent, qu’elle se trouvait sur le trentième parallèle sud, et à l’ouest des Moluques, alors qu’elle devait voguer à l’est en descendant légèrement sous l’Équateur, nous devrions dire que la Daphne avait perdu sa route.
    S’il n’était question que de cela. Les hommes de la Daphne auraient dû voir une côte à peu de distance de l’île, mais ils auront pensé qu’il s’agissait de quelque autre îlot avec quelque autre rongeur. Ils cherchaient tout autre chose, et Dieu sait ce que disaient les instruments de bord au père Caspar. Ils étaient certainement à quelques coups de rame de cette Terra Incognita et Australis dont l’humanité rêvait depuis des siècles. Ce qu’il est difficile de saisir avec précision – vu que la Daphne parviendrait enfin (et nous le verrons) à une latitude de dix-sept degrés sud - c’est comment ils avaient fait pour naviguer autour de l’Australie au moins pendant deux quarts sans jamais la voir : ou bien ils étaient remontés vers le nord, en passant alors entre Australie et Nouvelle-Guinée et risquant à tout instant d’échouer sur une plage ou sur une autre ; ou bien ils avaient navigué vers le sud, en passant entre Australie et Nouvelle-Zélande, et voyant toujours la haute mer.
    On pourrait croire que c’est moi qui raconte un roman, si ce n’était que plus ou moins dans la période où se déroule notre histoire, Abel Tasman lui aussi, partant de Batavia, était arrivé à une terre qu’il avait appelée de Van Diemen, et qu’aujourd’hui nous connaissons comme la Tasmanie ; mais puisque lui aussi cherchait les Îles de Salomon, il avait gardé sur sa gauche la côte méridionale de cette terre, sans imaginer qu’au-delà il y avait un continent cent fois plus grand, pour finir au sud-est à la Nouvelle-Zélande, il l’avait longée en direction du nord-est

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