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L'Ile du jour d'avant

L'Ile du jour d'avant

Titel: L'Ile du jour d'avant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Umberto Eco
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enroulaient plus ou moins de corde – selon la force et la direction droite ou oblique du souffle, enregistrant par conséquent même les déviations dues au louvoyage ou aux vents contraires. Méthode pas absolument sûre entre toutes, mais excellente si quelqu’un en avait comparé les résultats avec ceux d’autres relèvements.
    Les éclipses lunaires ? Sûr qu’à les observer en voyage, il en dérivait d’infinies équivoques. Mais, pour le moment, que dire de celles observées à terre ?
    — Il nous faut avoir de nombreux observateurs et en de nombreux points du monde, et bien disposés à collaborer à la plus grande gloire de Dieu, et à ne pas se faire injure, agir par dépit et hauteur. Écoute : en 1612, le huit de novembre, à Macao, le très-révérend pater Iulius de Alessis enregistre une éclipse de huit heures trente du soir jusqu’à onze heures trente. Le très-révérend pater Carolus Spinola informe qu’à Nangasaki, en Iaponia, la même éclipse à neuf heures trente du même soir il observait. Et le pater Christophorus Schnaidaa avait la même éclipse vue à Ingolstadt, à cinq heures de l’après-midi. La différentia d’une heure fait quinze degrés de méridien, et donc c’est la distantia entre Macao et Nangasaki, non seize degrés et vingt, comme dit Blaeu. Verstanden ? Naturellement pour ces relevés il faut se garder de la purée septembrale et du petun, avoir horologes justes, ne pas se laisser échapper l’initium totalis immersionis , et tenir exacte moyenne entre initium et finis eclipsis , observer les moments intermédiaires où s’obscurcissent les taches, et caetera. Si les lieux éloignés sont, une minime erreur fait non grosse différentia, mais si les lieux proximes sont, une méprise d’une poignée de minutes fait grosse différentia.
    À part que sur Macao et Nagasaki il me semble que Blaeu avait davantage raison que le père Caspar (et cela prouve quel imbroglio étaient réellement les longitudes en ces temps-là), voici comment, recueillant et recoupant les observations faites par leurs frères missionnaires, les jésuites avaient établi un Horologium Catholicum , ce qui ne voulait pas dire qu’il s’agissait d’une horloge très fidèle au pape, mais d’une horloge universelle. C’était en effet une espèce de planisphère où se trouvaient indiqués tous les sièges de la Compagnie, depuis Rome jusqu’aux confins du monde connu, et pour chacun des lieux était marquée l’heure locale. Ainsi, expliquait le père Caspar, lui n’avait pas eu besoin de tenir compte du temps depuis le début du voyage, mais seulement depuis la dernière sentinelle du monde chrétien, dont la longitude était indiscutée. Les marges d’erreur s’étaient donc réduites de beaucoup, et entre une station et l’autre on pouvait même utiliser des méthodes qui en absolu ne donnaient aucune garantie, tels la variation de l’aiguille ou le calcul sur les taches lunaires.
    Par chance, ses frères étaient vraiment un peu partout, de Pernambouc à Goa, de Mindanao au Port Sancti Thomae et, si les vents l’empêchaient d’amarrer dans un port, il y en avait tout de suite un autre. Par exemple à Macao, ah, Macao, la seule pensée de cette aventure tourneboulait le père Caspar. C’était une possession portugaise, les Chinois appelaient les Européens hommes au long nez précisément parce que les premiers à débarquer sur leurs côtes avaient été les Portugais, qui, en vérité, ont un nez fort long, et les jésuites aussi qui arrivaient avec eux. Et donc la cité était une seule couronne de forteresses blanches et bleues sur la colline, contrôlées par des pères de la Compagnie, qui devaient s’occuper aussi de choses militaires, vu que la ville était menacée par les hérétiques hollandais.
    Le père Caspar avait décidé de faire route sur Macao, où il connaissait un frère savantissime ès sciences astronomiques, mais il avait oublié qu’il naviguait sur un fluyt.
    Qu’avaient fait les bons pères de Macao ? Un vaisseau hollandais en vue, ils avaient donné du canon et de la couleuvrine. Inutile que le père gesticulât à la proue et eût aussitôt fait hisser l’étendard de la Compagnie, ces maudits nez longs de frères portugais, enveloppés dans les fumées guerrières qui les invitaient à un saint carnage, ne s’en étaient pas même aperçus, et, hop allez, de faire pleuvoir dru des boulets tout autour de la Daphne . Pure grâce de

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