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L'Ile du jour d'avant

L'Ile du jour d'avant

Titel: L'Ile du jour d'avant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Umberto Eco
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comètes passent dans la région sublunaire, et ici il y a de l’air comme toi aussi vois.
    — Rien ne se meut qui ne soit corps. Les ciels se meuvent. Donc ils sont corps.
    — Pourvu que tu peux dire des sornettes, tu deviens même aristotélique. Mais moi je sais pourquoi tu dis cela. Tu veux que même dans les ciels il y a air, ainsi il n’y a plus differentiam entre haut et bas, tout tourne, et la terre bouge son kul comme une traînée.
    — Mais nous chaque nuit nous voyons les étoiles dans une position différente…
    — Juste. De facto ils bougent.
    — Attendez, je n’ai pas fini. Vous voulez que le soleil et tous les astres, qui sont des corps énormes, fassent un tour autour de la terre toutes les vingt-quatre heures, et que les étoiles fixes ou le grand anneau qui les enchâsse parcourent plus de vingt-sept mille fois deux cents millions de lieues ? Mais c’est ce qui devrait se passer si la terre ne tournait pas sur elle-même en vingt-quatre heures. Comment font-elles les étoiles fixes pour aller aussi vite ? Les habiter ferait tourner la tête !
    — Si quelqu’un y habitait. Mais c’est là petitio prinkipii .
    Et il lui faisait remarquer qu’il était facile d’inventer un seul argument en faveur du mouvement du soleil, tandis qu’il y en avait beaucoup plus contre le mouvement de la terre.
    — Je le sais bien, répondait Roberto, que l’Ecclésiastique dit terra autem in aetemum stat, sol oritur , et que Josué a arrêté le soleil et pas la terre. Mais c’est justement vous qui m’avez enseigné qu’à lire la Bible à la lettre, nous aurions eu la lumière avant la création du soleil. On doit donc lire le livre saint avec un petit grain de sel, et saint Augustin aussi savait que celui-ci parle souvent more allegorico …
    Le père Caspar souriait et lui rappelait qu’il y avait beau temps que les jésuites ne défaisaient plus leurs adversaires avec des arguties scripturaires, mais avec des arguments imbattables fondés sur l’astronomie, sur le sens, sur les raisons mathématiques et physiques.
    — Quelles raisons, par exemple, de grâce ? demandait Roberto en se raclant un peu de gras au ventre.
    Par exemple, de gratia, répondait, piqué, le père Caspar, le puissant Argument de la Roue : « À présent, toi écoute-moi. Pense à une roue, d’accord ?
    — Je pense à une roue.
    — Parfait, ainsi toi aussi penses au lieu que faire le grosse singe et répéter que tu as entendu à Paris. À présent tu penses que cette roue est enfilée dans un pivot comme si c’était la roue d’un potier, et tu veux faire tourner cette roue. Qu’est-ce que tu fais toi ?
    — J’appuie les mains, peut-être un doigt, sur le bord de la roue, je bouge le doigt, et la roue tourne.
    — Tu ne penses pas que tu faisais mieux de prendre le pivot, au centre de la roue, et de chercher à faire tourner lui ?
    — Non, ce serait impossible…
    — Voilà ! Et tes galiléiens ou copernicanins veulent mettre le soleil immobile au centre de l’univers qui fait mouvoir tout le grand cercle des planètes autour, au lieu de penser que le mouvement est par le grand cercle des ciels donné, tandis que la terre peut rester immobile au centre. Comment avait-il pu le Bon Dieu mettre le soleil dans le plus bas endroit et la terre corruptible et sombre au milieu des étoiles lumineuses et aeternelles ? Compris ton erreur ?
    — Mais le soleil doit exister au centre de l’univers ! Les corps dans La nature ont besoin de ce feu radical, et que celui-ci habite au cœur du royaume, pour satisfaire aux nécessités de toutes les parties. La cause de la génération ne doit-elle pas être placée au centre de tout ? La nature n’a-t-elle pas mis les vésicules séminales à mi-chemin entre la tête et les pieds ? Et les pépins ne sont-ils pas dans le centre des pommes ? Et le noyau n’est-il pas au milieu de la pêche ? Et donc la terre, qui a besoin de la lumière et de la chaleur de ce feu, tourne autour de lui pour recevoir en toutes ses parties la vertu solaire. Il serait ridicule de croire que le soleil tournât autour d’un point dont il ne saurait que faire, et ce serait comme dire, en voyant une alouette rôtie, qu’on a pour la cuire tourné la cheminée à l’entour…
    — Ah oui ? Et alors quand l’évêque tourne autour de l’église pour bénir elle avec l’encensoir, tu voudrais que l’église tournerait autour de l’évêque ? Le soleil peut

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