L'Impératrice indomptée
sérénissime fiancée ».
Un mois avant le mariage a lieu solennellement à Munich l’« acte de renonciation », par lequel Sissi abandonne toute prétention à la succession au trône de Bavière. Les membres de la Maison royale comme de la Maison ducale, les dignitaires de la cour et les ministres d’État voient cette jeune fille de seize ans, assise pour la première fois de sa vie auprès du roi sous le baldaquin surélevé de la salle du trône. On fait lecture de la déclaration de renonciation, puis Sissi prête serment et signe le document. Cette cérémonie donne comme un avant-goût de la vie d’étiquette qui l’attend à Vienne.
À l’occasion d’un concert de gala organisé à la cour de Munich, Élisabeth reçoit les hommages du corps diplomatique. Le ministre du roi de Prusse écrit à son souverain : « Par son éclat et sa majesté, la jeune princesse paraît être digne de la situation qui l’attend auprès de son impérial fiancé ; pourtant, elle semble appréhender sa prochaine séparation de sa patrie et de sa famille : une ombre légère assombrit sa beauté éclatante... » La remarque est pertinente. Plus le grand jour approche, plus Sissi s’effraie de l’inconnu qui la guette. Une fois encore avant le départ, elle retourne à son cher Possi. Les larmes aux yeux, elle prend sa plume et écrit :
« Adieu, pièces silencieuses,
Adieu, vieux château.
Et vous, premiers rêves d’amour
Reposez en paix au fond du lac.
Adieu, arbres chauves
Et vous buissons et fourrés
Quand vous commencerez à reverdir
Je serai loin d’ici. »
Et puis, les heures passent. Toutes les malles sont déjà expédiées à Vienne. Le 19 avril, le dernier jour, elle classe les poésies qu’elle a composées et recopiées dans un beau carnet en cuir rouge. Ses soeurs lui parlent déjà avec une nuance de respect dans la voix. Enfin, voici l’ultime nuit. Élisabeth est agitée et a l’impression que le soleil ne se lèvera pas. Cependant, le jour point ; elle n’a pas fermé l’oeil. Très tôt déjà, c’est la séance officielle d’adieu à laquelle participent Maximilien et Louis I er . Tout le palais ducal est sens dessus dessous ! La rue est embouteillée par la population qui clame sa joie. Élisabeth est pâle et fatiguée ; elle est un peu honteuse aussi devant ce déploiement de monde ; elle doit affronter les applaudissements et sourire alors qu’elle est si triste de quitter tout ce qui a été sa vie jusqu’à maintenant. Elle embrasse une dernière fois tout le monde. Tous ses frères et soeurs sont déjà installés dans la berline qui attend devant la porte. Elle sort, belle et timide. Les drapeaux claquent aux fenêtres, on lui jette des fleurs, les mots de Kaiserin montent déjà jusqu’à elle comme un encens. Adieu Munich, adieu la Bavière ; des femmes pleurent parmi la foule ! La fiancée émue envoie des baisers et il faut dégager la place pour que les six chevaux prennent le départ.
Dans la voiture qui l’emporte vers son destin, Sissi a une dernière pensée pour Possenhofen. La veille, elle a distribué aux oiseaux et aux lapins, aux daims et aux poules tout ce qu’il lui restait de provisions, puis elle a ouvert les cages, les volières, les enclos. Les oiseaux ont pris leur envol vers la liberté, vers la chère liberté au moment où leur petite maîtresse sacrifiait à jamais la sienne. Ces derniers vers avant le départ sont remplis de la même mélancolie :
« Prête-moi tes ailes, hirondelle.
Conduis-moi au lointain pays.
Comme je serais heureuse de briser toute entrave,
De rompre tous les liens.
Si je pouvais comme toi planer librement
Dans un firmament éternellement bleu,
Avec quelle joie je te louerais,
Ô Dieu qu’on appelle “Liberté”. »
1 - Il est vrai que, pour la première fois de sa vie, l’archiduchesse Sophie sent qu’elle ne peut rien contre le destin. Elle contemple son fils, ce long jeune homme en uniforme blanc qui lui dicte sa volonté. François-Joseph veut absolument épouser Sissi. Elle se décide à ne pas contrarier cette passion. Politiquement, de plus, la chose n’a pas tellement d’importance. Une princesse bavaroise en vaut une autre. Bientôt, de mauvaises langues faisant allusion à l’union projetée insinuent qu’on va marier une mouette des larges horizons à un aigle héraldique empaillé pour l’éternité. Ne pouvant contrarier le mariage, Sophie se donne les gants d’en
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