L'Impératrice indomptée
point. En tout état de cause, il ne s’agit absolument pas pour Sissi de vouloir vous retirer les enfants ; elle m’a expressément chargé de vous écrire que les petites resteront toujours à votre entière disposition. » Sophie cède un temps, puis reprend vite son jeu pervers.
François-Joseph, pour distraire son épouse, l’emmène en Italie. Placé sous la férule de l’empire, le peuple, enchaîné, boude. L’accueil officiel est fastueux, mais la foule n’acclame pas le couple et les familles de la noblesse désertent la ville. À la réception donnée à Venise, seulement trente patriciens sur cent trente viennent rendre leurs devoirs à François-Joseph que personne ne salue dans les rues. Même constat à Brescia et à Milan. Là, éclate un affront suprême : au gala organisé en l’honneur du couple, les aristocrates envoient à leur place des domestiques vêtus de noir tandis que les épouses des personnalités officielles portent en signe de deuil des robes grises, dépourvues du moindre bijou.
François-Joseph passe pour responsable de la brutalité, de la stupidité et de l’injustice de la domination autrichienne en Lombardo-Vénétie. Mais le véritable gouverneur du pays est Radetzky ; derrière lui, se tient Sophie, restée « l’homme » du palais. À son parti, s’allie une série de ministres et de politiques autrichiens. François-Joseph, la figure de proue, s’occupe de signer les arrêts de mort, les ordres de torture, les confiscations de biens, sans se rendre compte de leur réelle conséquence. Tout juste s’il ne considère pas l’apposition de sa signature comme un des beaux-arts !
Seul moment pacifique : l’étape à Venise où le charme de Sissi opère. Elle y devient objet de culte. « La figure d’une Madone, le coeur d’un ange, s’extasient les habitants. Elle est faite du noble marbre de Carrare. Elle détourne la malédiction des Habsbourg ! » Le couple passe là les fêtes de Noël, loin de Sophie. Tous deux semblent plus proches que jamais. L’empereur donne des fêtes magnifiques qui enchantent les Vénitiens, adeptes du plaisir.
Mais, globalement, ce voyage tourne à la débâcle. François-Joseph décide d’en tirer les conséquences. Quand il rejoint Vienne, l’ancien régime en Lombardie et à Venise n’est plus qu’un souvenir. Les fortunes confisquées sont restituées, les déserteurs de l’armée sont autorisés à retourner chez eux. En place du feld-maréchal Radetzky, partisan de la manière forte, il nomme comme gouverneur, grâce aux efforts d’Élisabeth, son frère âgé de vingt-quatre ans, l’archiduc Maximilien, le futur empereur du Mexique. On peut dire qu’Élisabeth, en tempérant l’autorité de François-Joseph, rend non seulement un bon service à la population, mais en rend un autre, inestimable, à l’empire.
Le retour prépare une mauvaise surprise pour Sissi : sa petite Gisèle semble s’être prise de passion pour sa grand-mère. Ainsi accepte-t-elle, l’année suivante, de suivre son époux en Hongrie, à la condition expresse de pouvoir emmener ses filles. Sophie a deux ans, et Gisèle un an lorsque le couple part pour le pays des Magyars dans un esprit de conciliation. Élisabeth, comprenant leurs sentiments, prie François-Joseph de revêtir l’uniforme de général de la cavalerie hongroise pour faire plaisir au peuple. Mais celui-ci se montre rétif. À la place du drapeau noir et jaune des Habsbourg, se hisse le drapeau tricolore hongrois. De nouveau, les portes des prisons s’ouvrent pour recevoir les révoltés contre la Couronne. Seuls les marchands veillant à leurs profits flagornent les hôtes. La noblesse hongroise refuse calmement de faire de la figuration aux bals et dans les festivités.
En découvrant la Hongrie, Élisabeth éprouve un coup de foudre. Tout l’attire chez ce peuple et dans ce pays : l’originalité pittoresque des sites et des habitants, la beauté des costumes et le caractère national. Si les Italiens ont obtenu quelques concessions, les Hongrois, traités beaucoup plus mal, n’en obtiennent pas, bien que leurs demandes paraissent modérées : ils se bornent à solliciter l’usage de la langue magyare dans l’administration et la restauration des anciennes divisions administratives, les comitats, en place des cinq provinces entre lesquelles l’Autriche a arbitrairement découpé et dépecé le pays 1 .
Un autre événement vient s’abattre comme un
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