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L'Impératrice indomptée

L'Impératrice indomptée

Titel: L'Impératrice indomptée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Meyer-Stabley
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serait peine perdue. « Le vieux tronc pourri se meurt », dit-elle. Une fleur éclatante n’en renouvelle pas la sève. Intuition féminine ou prescience maternelle, elle voit dans François-Joseph l’avant-dernier empereur d’Autriche. Les premières années épuisantes de son règne l’ont minée. Ce qu’elle ne peut accepter, c’est la sorte de quarantaine à laquelle on l’a soumise. On a construit un mur autour d’elle, autour de sa pensée, de ses goûts, de sa façon de sentir et de vivre. Si on lui a enlevé ses enfants, ce n’était pas parce que l’étiquette l’ordonnait ainsi : celle-ci a servi, après coup, de prétexte pour justifier cet acte. On la ravale au rang d’une enfant, d’un être mal élevé, incomplet, aux tendances maladives. On lui dénie toute espèce de jugement, lui ôtant ainsi toute possibilité de rencontrer les autres sur leur propre terrain. L’empereur a adopté aussi cette attitude blessante pour elle : ses gestes de complaisance et de consentement prouvent qu’il ne prend pas sa femme au sérieux.
    Ce qui la mine surtout, ce sont les luttes continuelles avec sa belle-mère ; la situation s’est encore aggravée après la naissance de Rodolphe ; l’archiduchesse – qui a élevé quatre fils, dont l’empereur – entend diriger entièrement l’instruction et l’éducation du prince héritier ! Non contente d’avoir enlevé Sophie et Gisèle à leur mère, elle s’empare de « Rudi » et donne des ordres sans consulter personne. Lorsque l’empereur rentre d’Italie vaincu, découragé, il constate que les relations entre son épouse et sa mère sont toujours tendues ; parce qu’il a d’autres sujets de préoccupation, il ferme les yeux sur le conflit. Avec la plus grande lâcheté.
    Une autre théorie explique l’éloignement du jeune couple. Selon certains historiens, sitôt rentré de Vienne, François-Joseph se montre infidèle. Sa conquête se nomme Kiki Roll, actrice au Burgtheater. Les mauvaises langues se délient. On voit le jeune souverain se rendre la nuit auprès de la belle actrice et, bientôt, le charme de la courtisane est si prenant qu’il passe le plus clair de ses jours auprès d’elle. Élisabeth apprend la toquade de son mari. Aigrie et malheureuse, honteuse aussi de tous les commentaires malveillants qui courent dans les salons, où elle est l’objet de toutes les moqueries, elle ne peut se contenir et fait une scène violente à son mari qui est obligé de rompre.
    Selon certains, c’est l’entourage de l’archiduchesse Sophie qui s’arrange pour faire connaître à Élisabeth les frasques de l’empereur par l’intermédiaire d’une dame d’honneur commissionnée. L’impératrice simule la plus complète indifférence et se retire dans ses appartements. En quelques instants, elle vient de décider à jamais de sa vie ! Elle a trop de dégoût pour la cour et les courtisans ; elle veut fuir n’importe où, n’importe comment ! Elle n’est ni folle ni aberrante. Son départ en 1861 serait donc l’acte mûrement réfléchi d’une femme sage et intelligente. C’est pour elle la seule solution de ne pas manquer à son devoir personnel vis-à-vis de sa vie, et elle a la force de marcher droit. Théorie qui se tient, mais qui n’est pas confirmée par les chancelleries de l’époque.
    Quoi qu’il en soit, elle part, fuit même... Sur le vaisseau qui l’emmène à Madère, elle reprend possession d’elle-même. Elle se trouve dans un état de complet épuisement. Il lui faut recouvrer d’urgence un équilibre physique et moral. Madère paraît un choix judicieux. Dès son arrivée, elle semble ravie. Sur un rocher surplombant la mer, au milieu d’un jardin luxuriant et féerique, sa maison possède une véranda supportée par des colonnes, auxquelles s’enroulent des lianes et une multitude de grandes cloches jaunes et mauves. Les larges fenêtres ouvrent sur la mer, un parfum enivrant monte du jardin. Un pavillon enseveli sous les fleurs occupe l’extrême bord du rocher taillé à pic, que vient battre la mer, quelques pieds plus bas. Des lauriers et des palmiers forment le cadre de ce pittoresque domaine. C’est une vie en sanatorium que va mener l’impératrice à Madère.
    Elle a échappé aux pénibles contingences de la vie de cour ; elle est enfin tranquille, mais cette solitude ne rappelle en rien celle de sa vie de jeune fille. Elle ne jouit plus avec simplicité de ce qui l’entoure,

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