L'Impératrice indomptée
bijoux, les belles robes, tout cet attirail de luxe n’est pour elle qu’un fardeau impliquant des essayages interminables et d’incessants changements de toilette. On se querelle sur des détails. Elle n’aime guère non plus se laisser habiller par les femmes de chambre, étant habituée à l’indépendance et se sentant, de plus, intimidée : ces dames sont encore pour elle des étrangères.
Elle se console avec ses animaux, qu’elle a emportés en partie de Possenhofen. Elle peut rester pendant des heures devant la volière et s’évertuer à apprendre à ses perroquets des mots et même des phrases entières. La poésie aussi lui est une consolation. Comme jadis, elle se confie à son petit carnet de vers ; c’est là qu’elle trouve un refuge et, tandis que la nature commence à se parer d’une floraison nouvelle, elle écrit toute sa « Nostalgie » :
« Le jeune printemps est de retour,
Il revêt l’arbre de verdure nouvelle,
Il apprend aux oiseaux des chants nouveaux,
Et fait refleurir les fleurs plus belles.
Que m’importe à moi le charme du printemps
Dans ce pays d’exil.
Je me languis de toi, soleil de mon pays.
De vous, rives de l’Isar,
De vous, arbres sombres
Et de toi, fleuve vert,
Qui doucement la nuit, dans mes rêves,
Murmurais ton bonsoir. »
Même un séjour à Laxenburg, résidence de campagne, ne parvient pas à la consoler. Si l’on s’en réfère au journal de Marie Festetics, dame d’honneur : « Élisabeth allait de pièce en pièce, expliquant à quoi servait chacune, mais sans autre commentaire ; jusqu’au moment où, s’arrêtant dans une pièce d’angle où, entre deux fenêtres, se trouvait un bureau avec son fauteuil, elle resta longtemps plongée dans un profond silence, puis déclara soudain [...] : “Ici, j’ai beaucoup pleuré, Marie. Le seul souvenir de cette période me serre la gorge. C’est ici que je suis venue après mon mariage [...]. Je me sentais si abandonnée, si seule... L’empereur ne pouvait naturellement pas rester ici pendant la journée, il partait tous les matins pour Vienne et ne rentrait qu’à six heures, pour le dîner. Je restais seule en attendant, dans la crainte de l’instant où arriverait l’archiduchesse Sophie. Car elle venait chaque jour, pour espionner à toute heure ce que je faisais. J’étais entièrement à la merci de cette méchante femme. Tout ce que je pouvais faire était mal. Elle jugeait défavorablement chaque personne qui m’inspirait de l’affection. Jamais rien ne lui échappait, car elle m’épiait sans relâche. Toute la maison la craignait au point de trembler devant elle et, naturellement, on lui racontait tout. La moindre broutille devenait une affaire d’État.” »
Bientôt, la santé de Sissi s’altère. Il semble que Sophie n’apporte pas aux soins qui lui sont indispensables toute la charité désirable. Des idées atroces traversent la pensée de la jeune femme. Sa belle-mère souhaiterait sa mort car elle rêverait de remarier le jeune empereur à une épouse plus docile. Laxenburg est glacé et, cette année 1854, le mois de mai est exceptionnellement froid et humide. Sans doute ces malaises sont-ils d’ordre psychosomatique et Sissi en devient presque paranoïaque. La comtesse Festetics apprendra ainsi plus tard avec surprise que l’archiduchesse Sophie grondait aussi bien sa bru que l’empereur, comme des écoliers. Élisabeth lui a ainsi raconté : « Une fois, j’ai demandé à l’empereur de m’emmener à Vienne, où j’ai passé toute la journée avec lui, de sorte que je n’ai pas vu l’archiduchesse ce jour-là [...]. Mais le soir, à peine étions-nous de retour que déjà elle accourait. Elle m’interdit de recommencer et m’injuria bel et bien : il était inconvenant pour une impératrice de courir ainsi après son époux, et de se faire conduire de droite et de gauche comme un quelconque sous-lieutenant. Naturellement, cela ne s’est jamais reproduit. »
La campagne de Laxenburg se révèle une prison tout autant que Schönbrunn. L’empereur quitte toujours le palais à quatre heures du matin et ne rentre qu’à six heures du soir pour le repas en commun. Aux demandes incessantes de Sissi pour l’accompagner à Vienne afin de pouvoir s’y distraire, Sophie s’oppose à chaque fois. Et la jeune femme demeure seule, livrée à sa haine vigilante.
Dans ces premiers mois, son seul soutien, sa seule relation personnelle est son
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