L'Impératrice indomptée
ans – six ans de plus que Sophie –, cérémonieuse et de moeurs austères, était chargée de jouer le rôle de gouvernante. Sissi conçut dès le premier instant une profonde aversion à son égard ; la comtesse était d’ailleurs critiquée par plusieurs de ses contemporains, tel Weckbecker, aide de camp de l’empereur : « En effet, d’une part elle traitait un peu trop la jeune impératrice à la façon d’une gouvernante, d’autre part, elle considérait comme l’une de ses principales tâches d’informer la nouvelle souveraine de tous les potins concernant les grandes familles de l’aristocratie, ce qui n’éveillait naturellement chez la princesse bavaroise qu’un intérêt fort limité. »
2 - L’archiduchesse conseille son fils en tout et en particulier dans la politique : elle approuve le courant antirusse du gouvernement et sa réserve envers les puissances occidentales. Elle confirme l’empereur dans sa volonté de se détacher du tsar, beaucoup plus âgé que lui. Plus tard, seulement, il apparaîtra que c’est là s’asseoir entre deux chaises et risquer de perdre tous ses amis. Pour l’instant, il semble que l’Autriche soit assez forte pour tenir tête au tsar. Élisabeth reste étrangère à cette stratégie. Elle n’y comprend rien et pense que, là au moins, sa belle-mère pourrait avoir raison.
3 - Aussitôt qu’Élisabeth donne les premiers signes de sa grossesse, sa belle-mère se permet d’écrire sans tarder à l’empereur qu’il doit s’abstenir désormais d’avoir aucune relation avec sa femme. Elle lui recommande en même temps – et ceci est un comble ! – d’interdire à l’impératrice de passer des heures à contempler ses perroquets, l’enfant qu’elle va mettre au monde risquant sans cela d’offrir quelque ressemblance avec ces oiseaux. « Si elle éprouve le besoin, ajoute-t-elle, de contempler quelqu’un, qu’elle se contemple dans un miroir ou bien qu’elle regarde son mari. » La principale chose qu’on attend d’elle, c’est qu’elle donne le plus vite possible des enfants à l’empereur et de préférence un garçon.
4 - Toute la monarchie est déçue par l’arrivée d’une seconde fille, autant que François-Joseph. Le pays désire vivement un héritier au trône et la population manifeste ce désir par de bons conseils. Tout le monde, malgré tout, se réjouit de l’heureux événement. L’impératrice est étonnée de voir les cadeaux, venant de toute part à l’occasion de cette naissance, remplir toute une pièce.
IV
FUIR
À L’ÉTÉ 1856 , Élisabeth gagne donc sa première bataille lorsque l’empereur donne ordre de déménager les nurseries impériales de la Hofburg : les deux petites filles quittent l’étage de leur grand-mère pour être installées dans des appartements voisins de ceux de l’impératrice. Comme son fils et sa belle-fille le redoutaient, la réaction de l’archiduchesse est violente. Sophie proteste sur un ton indigné, se plaint amèrement, accuse Élisabeth de s’intéresser à ses chevaux plus qu’à ses enfants et d’être totalement inapte à les élever. Dans son amertume, elle va jusqu’aux menaces : elle quittera la Hofburg puisque sa présence y est désormais « indésirable ». Le malheureux François-Joseph essaie de temporiser entre une mère adorante et revendicatrice et une femme adorée et non moins revendicatrice.
Il en vient à semoncer sa mère, en lui écrivant : « Je vous prie pourtant instamment de vous montrer indulgente à l’égard de Sissi ; quelle que puisse être sa jalousie maternelle, il faut bien reconnaître son dévouement d’épouse et de mère. Si vous voulez bien nous faire la grâce de considérer cette affaire calmement, vous comprendrez peut-être les pénibles sentiments que nous éprouvons à voir nos enfants entièrement enfermés dans vos appartements, avec une antichambre presque commune ; tandis que la pauvre Sissi doit s’essouffler à monter les escaliers, avec ses amples vêtements souvent si lourds, pour ne trouver que rarement ses enfants seuls, quand ils ne sont pas entourés d’étrangers auxquels vous faites l’honneur de les présenter. Pour moi, également, cela écourte encore les rares instants que j’ai le loisir de consacrer à mes enfants, sans même parler du fait que cette manière de les exhiber et de les porter ainsi à la vanité me paraît une abomination, bien que j’aie peut-être tort sur ce
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