L'Impératrice indomptée
26 octobre, Élisabeth débarque à Venise de la frégate à vapeur Lucia . Trois archiducs l’attendent. Le soir, par ordre du maire de la ville, la place Saint-Marc est illuminée. Mais la population l’évite ostensiblement et ne prend aucune part aux manifestations. Cependant, elle ne demande que la paix et continue à mener à Venise sa vie solitaire de Madère et de Corfou. Elle se distrait tant bien que mal par la lecture. Ici, il n’est pas question de promenades. Elle se réjouit énormément de retrouver Rodolphe et Gisèle, qui la rejoignent à Venise le 3 novembre. Bien touchante rencontre, qui rend Élisabeth tout à fait heureuse. Mais dès l’arrivée des enfants, les dissensions recommencent avec leur gouvernante, la comtesse Esterhazy, qui a reçu de l’archiduchesse Sophie, pour le séjour de Venise, des directives précises.
Malgré son calme, Venise n’apaise pas l’impératrice. Elle s’y ennuie. Elle ne peut se promener en raison de l’enflure de ses pieds. Elle est donc clouée la plupart du temps chez elle, où elle occupe de longues journées en jouant aux cartes, en lisant un peu, en collectionnant enfin des photographies. Au terme d’une année ou presque passée à Corfou et à Venise, elle est toujours malade. Elle gagne en mai 1862 Reichenau, sur la Rax, d’où elle se rend à Bad Kissingen pour une cure ordonnée par le docteur Fischer. Elle ne s’arrête pas à Vienne. Le diagnostic est cette fois l’hydropisie 2 . Le médecin désigné est à nouveau le docteur Fischer.
Le diagnostic du médecin est exact. Depuis des mois, les poignets et les genoux de l’impératrice sont déformés par de curieux gonflements. Ces derniers sont aussi pénibles que disgracieux. Élisabeth souffre. Les soins du médecin produisent une nette amélioration. Dès le début de juillet, Die Presse rassure « les esprits de ceux qui imaginaient l’auguste malade comme étant au dernier stade d’une tuberculose pulmonaire », tout en faisant cependant état d’un nouveau diagnostic, d’une « maladie des organes de production du sang (glandes lymphatiques et rate) ». Une semaine plus tard seulement, un reporter de la Wiener Zeitung écrit : « J’ai vu l’impératrice, qui voici quelques semaines ne pouvait guère que se faire transporter, se promener à plusieurs reprises pendant des heures dans la station thermale sans se reposer ; et elle n’a toussé qu’une seule fois, alors même qu’elle était la plupart du temps en conversation. » Bad Kissingen organise un feu d’artifice pour fêter son rétablissement. Mais Sissi ne trouve toujours pas le courage de retourner à Vienne et choisit de se réfugier à Possenhofen.
François-Joseph use de tous les stratagèmes pour la faire revenir et lui annonce l’absence de l’archiduchesse Sophie de la Hofburg comme ultime argument. Elle revient finalement le 14 août. Le peuple lui fait un accueil enthousiaste. Elle s’installe à Schönbrunn avec ses enfants ; en l’absence de Sophie, elle est souriante, monte à cheval, fait des promenades à pied. La princesse Hélène de Tour et Taxis, sa soeur et dame d’honneur, écrit en septembre 1862 : « L’impératrice va bien, après deux ans de martyre... » Malgré quelques incidents pénibles avec l’archiduchesse, l’année 1863 est une période de calme et de détente. Élisabeth n’ignore pas que la cour est enchantée de la mésalliance de son frère aîné avec la petite actrice Henriette Mendel et ravie de la brouille de sa soeur, la reine Marie de Naples, avec son piteux mari ; pourtant, elle ferme les oreilles, s’adonne passionnément à la gymnastique et à l’équitation : ses vrais amis, ce sont les arbres, les oiseaux, les chevaux, les chiens. Dominant son antipathie pour les cérémonies officielles, elle assiste à quelques bals mais a, décidément, horreur de cette vie factice !
Elle a de nouveaux soucis en tête au cours de l’été 1864 : la campagne du Schleswig-Holstein menée par la Prusse et l’Autriche contre le Danemark remplit les hôpitaux de blessés. Elle va d’une salle à l’autre, trouvant pour tous un mot aimable qui n’est pas une aumône, mais un encouragement. Elle s’intéresse surtout aux soldats qu’elle quitte réconfortés et éblouis... « Je passe mes matinées dans les hôpitaux, écrit-elle à sa mère, et j’aime surtout à m’arrêter auprès des soldats hongrois. Ces pauvres diables n’ont
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