L'Impératrice indomptée
qui aime à la retrouver près de la duchesse d’Alençon. Elle ne prévoit pas que ces jours d’intimité, si doux à son coeur meurtri, n’auront pas de lendemains et qu’elle dit un éternel adieu à sa chère Sophie...
Le 6 mai 1897, elle reçoit en effet la terrible nouvelle que sa plus jeune soeur, la duchesse d’Alençon, a perdu la vie dans d’horribles circonstances... Les jours précédents, les dames de l’aristocratie française ont organisé à Paris le Bazar de la Charité. Le ruban de Celluloïd utilisé pour le cinématographe – une invention toute nouvelle qu’on présentait au Bazar – a pris feu, incendiant les draperies, puis le hall tout entier. Cent treize personnes, la plupart des dames de la haute société parisienne, trouvent la mort dans le brasier. Les premiers télégrammes parvenus sont peu clairs et n’indiquent pas nettement si la duchesse d’Alençon est au nombre des victimes. Blessé lui-même, le duc l’a recherchée en vain toute la nuit, aidé de ses belles-soeurs – la reine de Naples et la comtesse Trani – parmi les blessés déposés dans les hôpitaux et les maisons privées. Les détails de la catastrophe sont effroyables. La duchesse, dit-on, aurait pu se sauver ; mais elle a voulu laisser passer avant elle les jeunes filles de son comptoir ; on l’entendit murmurer : « Le devoir avant tout... »
Le soir de ce jour-là, Élisabeth parle de la malédiction qui pèse sur sa famille. « Elle grandit, affirme-t-elle, devient toujours plus menaçante... » Le professeur Sotier, de Bad Kissingen, la voit venir à lui très souffrante. La cure n’apporte aucun soulagement. L’agitation de la malade augmente ; elle ne peut tenir en place nulle part. De Kissingen, elle va à Langenschwalbach, puis à Lainz, en juillet à Ischl, et de là au bord du lac de Carezza. En novembre, elle est à Biarritz. « Une pluie froide tombe sans interruption, le thermomètre est plus bas que zéro, nous frissonnons et grelottons. » Elle ne ferme pas l’oeil, et se montre très nerveuse ; les rhumatismes et la goutte la torturent. Elle ne veut plus entendre parler de médecins, mais sa foi dans les bienfaits de la mer est telle qu’elle parle de se baigner, en dépit du gel et des douleurs. Il faut user d’une douce violence pour l’en empêcher. La souffrance a enfin raison de son entêtement. Le docteur, qu’elle consent à voir, lui recommande un climat plus chaud : les îles Canaries. Au lieu de cela, Élisabeth part pour Paris, où elle veut faire une cure de massage et où résident alors les deux soeurs qui lui restent, Marie, reine de Naples, et Mathilde, comtesse Trani.
Cependant, ses douleurs augmentent. Le professeur Nothnagel, qu’elle consulte à San Remo, les attribue en partie à une inflammation des nerfs. Devenue plus docile, elle ne demande qu’à rester à San Remo ; son grand amour pour Corfou semble évanoui. Le 1 er mars, les trois soeurs traversent Turin et se dirigent vers la Suisse. Là, Mathilde les quitte pour se rendre à Munich. Élisabeth demeure à Territet avec les personnes de sa suite, parmi lesquelles la comtesse Sztaray et le lecteur anglais Frédéric Barker. Mais l’inflammation nerveuse ayant reparu, elle retourne à Kissingen. Elle y reçoit, en mai, une courte visite de François-Joseph. La cure reste de nouveau sans effet et elle arrive très souffrante à Lainz. « Elle dissimulait son visage maigre et défait, rapporte un témoin, et ne supportait plus le voisinage de personne ; même la compagnie des enfants lui pesait. » Les soirées froides et les brouillards matinaux qui enveloppent le parc de Lainz la chassent encore. Le 4 juillet, elle retourne à Ischl, mais n’y demeure même pas jusqu’au jour anniversaire de l’empereur. Les journaux répandent des nouvelles de sa santé : anémie prononcée, violente inflammation nerveuse, insomnies chroniques et, plus récemment, dilatation du coeur. Cela l’oblige à se soumettre à la cure de Bad Nauheim. Élisabeth s’arrête au passage à Munich. En compagnie de la comtesse Trani, elle flâne dans les rues de sa ville natale ; c’est un pèlerinage à travers les souvenirs de leur enfance. Les deux soeurs font des stations aux devantures des magasins, devant les églises et les vieilles maisons. En passant près du palais, Élisabeth désigne du doigt la fenêtre de sa chambre de jeune fille. Enfin, en guise d’adieu, elle entre à la
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