L'Impératrice indomptée
célèbre brasserie de la Hofbräu. « Je ne quitte jamais Munich sans être venue ici ! » dit-elle.
Comme toujours, elle refuse toute protection policière et l’empereur doit déléguer des gardes du corps secrets. L’un d’eux, Anton Hammer, de Carlsbad, racontera : « L’impératrice Élisabeth nous donnait un travail énorme. Elle voulait que personne ne la voie et tenait d’une main une ombrelle, de l’autre un éventail. Il y avait aussi ces promenades impromptues à trois heures du matin, ou encore l’après-midi en forêt. Nous devions rester postés en permanence. J’avais reçu les ordres les plus stricts pour surveiller chacun de ses mouvements sans qu’elle s’en doute. » Bien souvent, quand elle en repère un, elle s’enfuit par de petits sentiers, au mépris des clôtures, et les policiers qui n’ont pas su s’acquitter de leur mission rencontrent des difficultés accrues. « Nous dûmes la pourchasser pendant cinq heures, raconte ainsi Hammer. Toujours à quelque deux cents mètres de distance, en nous cachant derrière des arbres et des rochers. »
Néanmoins, à Bad Nauheim, elle consent à recevoir la visite de l’empereur Guillaume II. Toute la localité est en émoi lorsque les chevaux gris pommelés de la calèche impériale s’arrêtent devant la villa Kracht. Aimable attention du souverain : ce sont des chevaux hongrois conduits par un cocher hongrois. Élisabeth passe par Hombourg et la France pour retourner en Suisse. Le 30 août 1898, elle s’installe au grand hôtel de Caux. Elle s’est tracé un vaste programme ; elle est décidée à refaire de la marche et a choisi les buts d’excursion : Bex-les-Bains, les Rochers de Naye, Évian, Genève et Pregny, où elle visitera les serres réputées de la baronne de Rothschild. Le 5 septembre, elle fait retenir à l’hôtel Beau-Rivage, à Genève, des chambres pour trois dames et un serviteur. Le 9, à huit heures du matin, elle quitte Caux avec la comtesse Sztaray et un laquais qui porte les manteaux. Elle ignore que c’est la mort qui l’attend !
1 - En effet, le jour même où naissait le bébé de Marie-Valérie, on apprit la mort de la vieille duchesse Ludovica. La plus gentille, la plus raisonnable et la plus tolérante des mères. Après avoir grondé et critiqué, elle avait toujours fini par accorder son pardon. Le seul endroit qu’Élisabeth appelait encore son foyer perdait toute raison d’être.
XV
LA MORT
À LA FIN DE L’ÉTÉ 1898 , Élisabeth réside donc en Suisse. Le 30 août, l’impératrice et sa dame d’honneur, Irma Sztaray, arrivent au Grand Hôtel de Caux et visitent la région. Un curieux incident prophétique y a lieu. À Caux, elle aperçoit une femme de haute taille, vêtue de blanc, qui la regarde fixement. L’expression doit être effrayante, car l’impératrice appelle et donne l’ordre d’éloigner cette personne. On se précipite dans le parc, on fouille toutes les allées, tous les massifs, on ne trouve nulle part trace de femme en blanc. Élisabeth est troublée. Une très ancienne légende, fort accréditée en Autriche, fait apparaître une femme en blanc toutes les fois qu’un malheur menace la famille impériale. On assure avoir vu la femme blanche à Schönbrunn en 1867 et en 1889, peu de temps avant les tragédies de Queretaro et de Mayerling. Est-ce la fameuse dame blanche des Habsbourg ? Cependant, Élisabeth se montre fataliste : « Je marche toujours à la recherche de ma destinée, répète-t-elle souvent. Je sais que rien ne peut m’empêcher de la rencontrer le jour où je dois la rencontrer. Le Destin pendant bien longtemps tient ses yeux fermés, mais un jour il nous aperçoit tout de même. Les pas que l’on devrait s’abstenir de faire pour ne pas tomber sur lui, ces pas-là justement se font fatalement, et moi je fais ces pas de tout temps. »
Le matin du 9 septembre, Sissi part pour Genève. Avec la comtesse Sztaray, elle se met en route pour la demeure des Rothschild. « La baronne de Rothschild m’a proposé son yacht pour me permettre d’arriver directement chez elle. Mais je ne puis accepter son offre aimable et voyagerai donc par le bateau de ligne », a fait savoir Sissi. En réalité, elle est gênée de profiter d’un navire dont l’équipage a interdiction d’accepter la moindre gratification.
La maîtresse de maison a montré beaucoup de tact en se préparant à recevoir sa royale visiteuse. Le pavillon des
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