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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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terre le seau à champagne, les deux ostensoirs en argent et le calice doré. Puis il releva le devant et les deux côtés de la nappe qu’il rabattit sur le plateau de la table comme une chemise repliée avec soin. Ensuite, il fit un pas sur la gauche, se pencha et fléchit le genou un peu comme sa mère l’avait fait quelques heures auparavant. Il rapprocha l’une des bougies pour distinguer les traits de l’homme, puis il retint son souffle.
    Allongé sur le dos, Pergen fixait le dessous de l’autel, les yeux écarquillés. Il avait la bouche entrouverte, comme s’il allait dire quelque chose. Il portait une queue-de-pie avec un nœud papillon noir et un plastron amidonné. Au premier abord, on aurait pu croire qu’il avait renversé sur sa chemise blanche une coupe de sorbet aux fraises. Tron ne se donna pas la peine d’avancer la tête pour examiner la gorge de Pergen. Il savait ce qu’il verrait : la carotide tranchée avec le même couteau que celui qui avait envoyé Moosbrugger et sa maîtresse dans l’autre monde. L’incision ne serait peut-être pas aussi large et profonde, mais elle avait été assez rapide pour empêcher le colonel de crier et le tuer sur le coup.
    Des bruits de vaisselle et de voix provenaient toujours du salon vert, mais ils étaient un peu plus faibles qu’auparavant : l’un des domestiques devait être parti à la cuisine porter un panier. Le commissaire se retourna d’un geste lent. Un instant, il espéra que le cadavre de Pergen n’était qu’un mirage et qu’en bougeant à nouveau la tête, il apercevrait seulement un autel dont la nappe était relevée sans raison.
    Mais en ramenant son regard dans la direction initiale, il dut admettre sans surprise que le corps gisait toujours sous la table et que l’image se faisait plus précise et plus intense. Il remarqua que la main droite (qui était toujours dans la même position que tout à l’heure) était traversée par un long trait rouge. Puis il se rendit compte qu’un motif qui lui avait échappé jusque-là s’était formé sur le marbre de l’estrade. Il constata enfin que chaque fois qu’il soulevait un pied, sa chaussure restait collée au sol pendant une fraction de seconde. Il en déduisit qu’il se tenait au milieu d’une mare de sang à moitié figé.

50
    — Et maintenant, Alvise ?
    Face à l’autel, la comtesse tenait les yeux baissés vers la main de Pergen qui traînait sur le marbre. Elle était d’un calme remarquable.
    — Faut-il laisser le colonel à cet endroit ?
    Il était quatre heures passées de quelques minutes et elle se trouvait là où l’impératrice, quelques heures auparavant, avait prédit la mort de la victime. Tron répondit : — Ou bien nous avertissons tout de suite les autorités, ou bien nous attendons que les domestiques qui viennent faire le ménage demain découvrent le corps.
    — Et que se passera-t-il alors ?
    — Ils vont débarquer ici – une douzaine de soldats, un médecin militaire et sans doute le lieutenant Bruck, le suppléant de Pergen. Peut-être même que Toggenburg fera le déplacement. Ils vont fouiller les lieux et prendre les empreintes. Ils demanderont le nom des invités, des musiciens et des extras.
    — Ils vont tous les interroger ? Un à un ?
    Son fils fit un signe affirmatif de la tête.
    — C’est la procédure habituelle.
    — Mais la liste comprend cent cinquante personnes ! s’exclama la comtesse. Avec les domestiques et l’orchestre, cela fait environ deux cents ! Ils ne pourront jamais tous les questionner.
    — Bien sûr que si ! répliqua son fils. S’il manque du personnel, Toggenburg demandera du renfort à Vérone. Pour lui, ce n’est pas un meurtre quelconque. Il croira que Pergen était sur la piste d’un attentat contre l’impératrice.
    — Mon Dieu, c’est vrai ? s’inquiéta Alessandro.
    — Non, mais Toggenburg croira que ça l’est. Et Spaur m’a laissé entendre qu’il ne me fait pas franchement confiance du point de vue politique.
    — Cela veut-il dire qu’il pourrait s’imaginer que tu es impliqué dans cette histoire ? l’interrogea de nouveau le maître d’hôtel.
    — J’ai quitté le bal pendant une bonne heure et il voudra savoir où j’avais disparu. Dois-je raconter que je m’entretenais avec une certaine comtesse Hohenembs ? Une personne qui n’existe pas ? Qui ne figure pas sur la liste des invités et qui n’est pas en mesure de confirmer mes dires ?
    — Et si l’on retrouvait le

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