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l'incendie de Rome

l'incendie de Rome

Titel: l'incendie de Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Nahmias
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tragédie, ne savaient quelle contenance adopter. Ils avaient l’air de fantômes.
    Le préfet des vigiles arriva un peu plus tard. La journée avait dû être rude pour lui, son uniforme était en partie brûlé. Il se dirigea d’un pas rapide vers la table impériale et commença immédiatement son rapport. Instantanément, toutes les autres tables s’étaient tues pour entendre ce qu’il disait. Cette immense salle remplie de monde était aussi silencieuse que l’intérieur d’un temple.
    — Un seul point est positif, César : les pillages ont cessé. Il faut dire qu’il n’y a plus grand-chose à voler. Pour le reste…
    — Pour le reste, il y a tes hommes ! Que font-ils ?
    — Ils font tout ce qu’ils peuvent, César. Il y a chez eux une vingtaine de morts et des centaines de blessés. Mais, à part les plus grièvement atteints, tous sont repartis au feu… À l’heure actuelle, le front le plus important a lieu sur l’Esquilin. À mon avis…
    — Laisse-moi !
    — Mais, César…
    — Laisse-moi ! Il faut que je donne libre cours à ma douleur. Qu’on aille me chercher ma lyre !
    Poppée tenta d’intervenir :
    — Est-ce vraiment le moment ?
    — Oui, c’est le moment. Je vais chanter mon poème sur la chute de Troie. Il exprime exactement ce que je ressens.
    L’instant d’après, un esclave arrivait avec l’instrument de musique. Néron quitta sa place et s’avança sur la terrasse qui prolongeait la pièce. Celle-ci dominait les jardins et la position élevée du Vatican permettait de voir très nettement l’incendie. C’était un spectacle terrible, mais qui ne manquait pas de grandeur tragique. On y voyait toutes les nuances du rouge, de l’orange clair au grenat.
    La voix de l’empereur exprimant la détresse du vieux Priam voyant sa ville en flammes ne tarda pas à s’élever. Elle était, comme à son habitude, plus puissante que réellement harmonieuse, mais Lucius, en écoutant ces vers qu’il savait presque par cœur pour les avoir entendus tant de fois, sentit en elle une émotion sincère. Néron avait de la peine pour ces malheureux, envers lesquels il se sentait impuissant, et il souffrait peut-être aussi d’avoir perdu toutes les merveilles qu’il avait réunies dans son palais du Palatin…
    La voix impériale était vraiment puissante : elle parvint sans mal jusque dans les jardins où campaient les réfugiés. Ceux-ci l’entendirent, mais ils ne l’interprétèrent pas comme l’expression un peu maladroite, un peu théâtrale aussi, de sa douleur, bien au contraire :
    — Mais c’est Néron ! Il chante !
    — J’ai perdu ma femme, mes enfants, et il chante !
    — Il est dans son théâtre, il donne un nouveau récital !
    Et puis quelqu’un, nul ne saura jamais qui, lança le premier :
    — C’est lui qui a mis le feu !
    L’accusation fut aussitôt reprise par tout le monde :
    — Bien sûr que c’est lui. Il a fait cela uniquement pour se délecter du spectacle.
    — Pour chanter nos malheurs !
    — Il faut que tout Rome sache que c’est lui !
    Et, en pleine nuit, une bonne partie des sinistrés partirent de la résidence impériale, tandis que l’empereur, inconscient de ce qui se passait, continuait ses trémolos sur la chute de Troie.
     
    Le lendemain, sixième jour depuis le début de l’incendie, Lucius quitta la résidence impériale en direction du centre de la ville. Bien qu’il n’ait reçu aucune instruction de la part de Tigellin, il avait décidé de s’éloigner de l’entourage de l’empereur pour se rendre compte plus précisément de l’état de l’opinion. Il estimait, sûrement avec raison, que la présence du souverain et de ses soldats pouvait empêcher les gens de s’exprimer librement. Il prit le chemin du cimetière de Délia et il eut une surprise : les lieux étaient remplis de monde. Certains s’étaient construit des campements de fortune en toile ou en bois au milieu des tombes ; les plus privilégiés, sans doute les premiers arrivés, avaient occupé les rares monuments funéraires comportant une chambre.
    Tout naturellement, Lucius se dirigea vers celle où il avait partagé ce repas de galettes avec la jeune femme.
    Il n’avait cessé de penser à elle tout au long de ces jours dramatiques. Il regrettait de l’avoir quittée aussi brusquement, parce que l’attitude des autres chrétiens

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