l'incendie de Rome
vigiles. Tout ce monde trouvait de la place comme il pouvait. Mais, à vrai dire, nul ne faisait attention aux conditions matérielles dans lesquelles il était hébergé. Le drame avait frappé les uns et les autres de stupeur. On était en vie, c’était tout ce qui importait.
Lucius pensait qu’au milieu de ces événements, le préfet du prétoire l’avait oublié, mais il n’en était rien. Alors qu’il regardait avec angoisse d’énormes colonnes de fumée monter de l’autre côté du Tibre, un petit esclave vint le trouver.
— Le préfet attend ton rapport…
Il suivit le jeune homme, qui le conduisit de nouveau dans le théâtre. C’était là que Tigellin avait installé son quartier général. Son personnel s’était réparti en groupes sur les gradins, accomplissant les tâches qui étaient les siennes en temps normal. De temps à autre, un cavalier partait avec un message à porter dans telle ou telle direction. Malgré les circonstances, la continuité de l’État et de l’Administration était assurée.
Lucius trouva le préfet du prétoire derrière une table qu’il avait fait dresser sur la scène. Tigellin tint à entendre personnellement son rapport, preuve de l’importance qu’il attachait à cette affaire de pillards incendiaires. Malheureusement, son agent n’avait rien à lui apprendre.
— Je n’ai pas pu remplir ma mission. J’ai été de nouveau attaqué.
— Tu veux dire : personnellement ?
— Oui.
— Tu es sûr que ce n’étaient pas des voleurs que tu aurais dérangés ?
— Certain. Ils étaient trois et ils étaient là pour me tuer.
Lucius Gemellus raconta dans quelles circonstances mouvementées il avait pu leur échapper. Le préfet lui posa une question qu’il s’était lui-même posée :
— Étaient-ce les mêmes qui t’avaient déjà agressé ?
— Je ne peux pas te le dire. Avec la fumée, on y voyait trop mal.
Tigellin hocha la tête pensivement.
— En tout cas, l’affaire est grave. C’est toute une organisation qui veut t’éliminer. Car cela continuera. Ces trois-là sont morts, mais il en viendra d’autres.
— Tu crois toujours que c’est toi qu’ils visent à travers moi ?
— Plus que jamais. Et l’incendie ne les a pas fait désarmer. Cela prouve un acharnement peu commun…
Lucius affichait un air sombre. Depuis son réveil, le souvenir des événements de la veille l’avait plongé dans un abattement profond. Tigellin s’en rendit compte.
— Tu as perdu quelqu’un de proche ?
— Mes parents sont morts. Si tu pouvais me confier une mission, cela m’aiderait à oublier.
— Bien sûr… Je ne vais pas te demander de surveiller les pillards, ce serait trop t’exposer. Je vais te mettre avec la garde de Néron. Si tu es à ses côtés, on ne tentera rien contre toi.
— Mais je ne suis pas soldat. Que veux-tu que je fasse ?
— Tu verras bien. Il apprécie ta compagnie. Il aura peut-être envie de se confier à toi. Sinon, essaie de connaître les réactions de la population…
Lucius partit sans plus attendre. L’empereur ne se trouvait pas dans sa résidence, mais sur le Champ de Mars où il avait établi son quartier général avancé. Il alla se présenter à lui, mais Néron lui accorda à peine un regard. Lucius ne le reconnut pas. Comme lui paraissaient loin le concours de chant et les vocalises avec une plaque de plomb sur la poitrine ! Il avait devant lui un être énergique, prenant les mesures qui s’imposaient.
Pour l’instant, il s’occupait de fournir un abri à ceux qui avaient tout perdu dans la catastrophe. Les bâtiments publics avaient été ouverts à la population, les soldats s’employaient à construire des logements de fortune, du type des camps militaires qu’ils avaient l’habitude d’édifier en campagne. L’empereur allait des uns aux autres porter des paroles de réconfort. Le préfet des vigiles Flavius Sabinus venait lui faire régulièrement des rapports sur la situation. Malheureusement, ceux-ci étaient toujours aussi pessimistes : on ne pouvait rien espérer tant que le vent et la canicule continueraient.
Le soir, Néron revint à la villa du Vatican pour une collation frugale et un court repos, et il repartit le lendemain. Lucius Gemellus le suivit, alors qu’au loin l’incendie continuait de s’étendre, attisé par une chaleur et un vent qui ne faiblissaient
Weitere Kostenlose Bücher