l'incendie de Rome
l’avait choqué. Il lui en demanderait pardon la prochaine fois qu’ils se verraient et ils ne se quitteraient plus. Se ferait-il chrétien ? Il ne savait pas encore, l’incendie lui posait des questions. Il ne comprenait pas comment un Dieu d’amour pouvait permettre de telles horreurs…
Il n’eut pas le loisir d’aller jusqu’à la chambre funéraire, car un violent incident se produisit en chemin. Comme tous les jours, selon une initiative de l’empereur, des esclaves de son personnel procédaient à une distribution gratuite de pains. Mais, à peine ceux-ci les eurent-ils sortis de leurs paniers, qu’ils furent pris à partie par la population :
— On n’en veut pas de votre pain, il est empoisonné !
Les esclaves tombèrent des nues.
— Quelle idée ! Qui aurait fait cela ?
— Néron, bien sûr, puisque c’est lui qui a mis le feu à Rome !
— Mais ce n’est pas vrai !
— Si, c’est vrai ! Il n’a pas chanté, hier soir ?
— Oui, mais…
Les échos de l’altercation s’entendirent dans le reste du cimetière. Un attroupement se forma. D’autres voix s’élevèrent :
— Mais il n’a pas mis le feu tout seul, Néron !
— Il a envoyé ses domestiques le faire pour lui.
— Ces gens qu’on prenait pour des pillards, c’était vous.
La scène risquait de tourner au massacre. Les esclaves impériaux étaient entourés de toutes parts et se rendaient compte avec horreur qu’on les accusait d’être les incendiaires. Abandonnant leurs corbeilles, ils s’enfuirent aussi vite qu’ils le purent et ce fut un miracle si aucun d’eux ne fut mis en pièces par la foule.
Lucius intervint. Il interrogea l’un des accusateurs les plus véhéments :
— Néron a chanté. Mais qu’est-ce que cela prouve ?
— Tu n’as pas compris ?
— J’avoue que non…
— Mais c’est pour cela qu’il a mis le feu à Rome, uniquement pour le plaisir de mettre le spectacle en musique.
— Il a peut-être chanté pour exprimer sa peine.
— Qu’est-ce que tu en sais ? Tu l’as entendu ?
— Oui, et il m’avait l’air triste.
— Qu’est-ce que tu faisais là-bas ? Tu es un de ses amis ?
À présent, c’était au tour de Lucius d’être entouré d’une foule agressive. Effaré, il voyait des visages menaçants se rapprocher de lui… La popularité de Néron s’était effondrée d’un seul coup, pour faire place à une véritable haine. Mais, pour l’instant, il devait désarmer l’hostilité qui se manifestait autour de lui, sans quoi, il risquait tout bonnement d’y rester.
— Qu’est-ce qu’il vous prend ? Je campais dans les jardins du Vatican. Je suis un réfugié comme vous. J’habitais près du Circus Maximus.
L’évocation du Circus Maximus, qu’on savait être l’endroit le plus touché, fit tomber la colère de ses interlocuteurs. Lucius reprit :
— Tout de même, j’ai du mal à vous croire. Son palais a brûlé, il paraît même qu’il n’en reste plus rien.
Mais, là encore, la réplique ne se fit pas attendre. Son premier interlocuteur eut un ricanement :
— Justement, il veut s’en construire un plus beau. Et à nos frais, bien entendu !
Un second Romain intervint avec plus de vivacité encore :
— Mais ce n’est pas seulement son palais, c’est tout Rome que Néron veut reconstruire de la manière qui lui plaît. Et il donnera son nom à la nouvelle ville. Ce ne sera plus Rome, ce sera Neropolis !
Au lieu de s’indigner avec les autres, Lucius eut le tort d’exprimer son scepticisme et, du coup, l’hostilité contre lui redoubla. Il se vit entouré d’un cercle menaçant. On l’accusait d’être un agent de l’empereur, ce qu’il était, d’ailleurs, effectivement. La situation menaçait de devenir très délicate. Il se demandait même s’il n’allait pas mourir de cette manière stupide, massacré par le peuple, lorsque quelqu’un arriva, tout essoufflé.
— Écoutez-moi, c’est terrible : le feu a pris sur le Pincio !
C’était effectivement une information des plus alarmantes. Le Pincio, une colline à l’extrémité nord de Rome, était resté jusque-là à l’écart de l’incendie. Ce nouveau foyer signifiait que la totalité de la ville allait peut-être disparaître. Mais l’homme n’en avait pas fini :
— Et il n’a pas pris n’importe où, le feu ! C’est chez
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