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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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pressante de Giscard à participer à un grand meeting à Pantin, Chirac se dérobe. A-t-il pour autant donné des consignes de vote précises au RPR ? Je ne le crois pas. Il a sermonné le gaulliste de gauche Philippe Dechartre quand il a appris que ce dernier avait envoyé aux militants une lettre les exhortant à apporter leurs suffrages à Mitterrand. Il n'a rien fait, en revanche, pour empêcher les Charles Pasqua (responsable de l'organisation de sa campagne), les Pons et autres membres de l'état-major du RPR de se démener pour barrer la route à Giscard en demandant aux militants de s'abstenir ou bien de voter Mitterrand.
    Le président de la République reconnaît partiellement cette vérité : « Que des gens comme Dechartre et certains amis de Chaban aient tenu ces propos, c'est possible et même certain, mais ce n'est pas venu de la tête du RPR. » Il dit n'avoir donné pour sa part aucune instruction de faire voter Mitterrand, mais insiste sur « la détestation des gaullistes envers Giscard » : « Les gaullistes en avaient ras-le-bol de Giscard, mais il est faux de dire qu'il y a eu un complot destiné à le faire battre. » Cette détestation, lui-même la partageait et elle lui faisait sans doute souhaiter secrètement la victoire du candidat de gauche, ainsi qu'il le confia à Michel Junot 6 .
    Le passé ne se recompose pas, mais les ambiguïtés qui caractérisent cette période n'empêchent pas d'imaginer que Jacques Chirac avait alors parfaitement conscience que l'avenir du RPR et le sien seraient plus favorables si Mitterrand était élu, ainsi que le soulignera plus tard Philippe Séguin 7 . Et qu'après la victoire de la gauche, lui-même aurait enfin le champ libre à droite. Désormais chef incontesté de l'opposition, il pourrait regarder sereinement l'avenir.
    1 Valéry Giscard d'Estaing, Le Pouvoir et la Vie. Choisir , Compagnie 12, 2006.
    2 Odile Jacob, 1996.
    3 Edith Cresson, Histoire française , Éditions du Rocher, 2006.
    4 Ibid. Quand j'ai indiqué à Jacques Chirac qu'un livre égrenant des choses aimables sur son compte allait bientôt paraître, il m'a répondu avec un large sourire : « Il faut le censurer ! »
    5 Voir Pierre Péan, Dernières volontés, derniers combats, dernières souffrances , Plon, 2002, et chapitre 23 du présent ouvrage.
    6 Michel Junot, Quand les Parisiens aimaient leur maire , Éditions de Fallois, 2006, page 220.
    7 Dans Le Jeune Loup , op. cit.

22.
    Un long face-à-face
avec François Mitterrand
    De quatorze ans d'un face-à-face souvent très rude avec François Mitterrand, son successeur semble ne garder absolument aucune amertume, comme si le seul fait de lui avoir succédé avait pansé toutes ses blessures et avait gommé jusqu'au souvenir des décharges d'adrénaline qu'il avait éprouvées face à un adversaire aussi coriace. Au cours de nos entretiens, il a souvent évoqué son nom et, à chaque fois, j'ai senti percer l'admiration pour la subtilité de l'homme, sa grande intelligence, sa connaissance inégalée de l'histoire de France, mais aussi une sorte d'affection respectueuse. Exemple.
    « Pendant la première cohabitation, vos relations avec François Mitterrand n'ont pas été faciles. Cela n'a pas dû être pour vous deux une partie de plaisir, chacun campant sur les limites de son domaine. Avez-vous conservé là-dessus quelques souvenirs ?
    – J'ai toujours dit que j'avais une grande estime pour François Mitterrand, d'abord parce que c'était un homme très intelligent et cultivé, pas du tout comme moi…
    – Disons que vous n'aviez pas la même culture…
    – En effet, il s'agissait d'une culture différente, ne portant pas sur les mêmes sujets… Mais c'était un homme qui connaissait parfaitement l'histoire, notamment l'histoire de France, ce qui n'était pas mon cas, et que j'écoutais donc avec intérêt. En second lieu, contrairement à ce qui a parfois été dit par les journalistes, probablement sur la base d'informations erronées émanant de collaborateurs, jamais nous n'avons eu un accrochage quelconque, jamais on ne s'est engueulés. C'était la cohabitation. Je le voyais au moins une fois par semaine, avant le Conseil des ministres ; cela durait une demi-heure, trois-quarts d'heure. Je dis cela parce que, dans certains livres, m'a-t-on rapporté, d'aucuns prétendent qu'en telle ou telle occasion…
    – Pas certains : tous les livres, toutes les télés ont parlé de votre affrontement

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