L'inconnu de l'Élysée
l'Élysée, rejetteraient dans la foulée la gauche aux législatives suivantes à cause de l'alliance entre socialistes et communistes, se révéla erroné. Jacques Chirac avait sous-estimé la force de la « vague rose ». Le voilà donc en 1981 avec un RPR réduit à la portion congrue. Ses 88 députés ne pèsent pas lourd à l'Assemblée face aux 285 élus socialistes et apparentés qui, à eux seuls, disposent de la majorité. Jacques Chirac est méconnaissable. Son calme contraste avec son agitation de la veille. Il endosse le costume du chef de l'opposition qui ne s'opposera pas à tout mais prendra en tout une attitude responsable. Fidèle à ses idées, il vote pour l'abrogation de la peine de mort, le 18 septembre 1981, alors que la très grande majorité de son parti se prononce contre. Lors des assises du RPR, les 23 et 24 janvier 1982, son discours-programme tourne autour de la République et de ses valeurs. Il prononce une vingtaine de fois le qualificatif « républicain ».
Est-ce parce qu'il apprend que certains socialistes songent à changer le statut de la ville de Paris, ou/et parce que son tempérament a tôt fait de reprendre le dessus ? Jacques Chirac lance des attaques frontales contre le président François Mitterrand. Claude Labbé, président du groupe RPR à l'Assemblée, va jusqu'à réclamer, le 27 avril 1982, le départ conjoint de Mitterrand et de Pierre Mauroy ! Le 23 juin, Chirac monte à la tribune soutenir la motion de censure et tient des propos blessants envers le gouvernement dont il remet en cause la légitimité. « Le socialisme à la française est un rêve en miettes ! » lance-t-il.
Une semaine plus tard, le Conseil des ministres décide l'éclatement de Paris en vingt communes de plein exercice. Mitterrand commente : « Il ne faut pas que Chirac s'étonne de ce qui lui arrive après ce qu'il m'a fait en emboîtant le pas à Labbé qui a exigé mon départ. Moi, je n'ai jamais demandé à un président régulièrement investi par le peuple de partir. Il me le paiera 2 ! » Message acheminé jusqu'au leader du RPR via Bernard Billaud qui le tenait du chef du protocole de l'Élysée 3 .
Chirac, qui évalue mal les conséquences de la violence de ses attaques, prend la loi remettant en cause le statut de Paris, votée à la rentrée, comme une agression personnelle qui nourrit son ressentiment. En mars 1983, le maire de Paris tient sa revanche sur les socialistes qui ont voulu saper sa base politique : le RPR gagne tous les arrondissements de la capitale et lamine l'opposition socialo-communiste. Il a également la satisfaction de voir l'opposition reprendre à la gauche trente et une villes de plus de 30 000 habitants, et celle-ci mettre fin à son programme économique socialiste pour renouer, après une troisième dévaluation, avec une plus grande orthodoxie.
Paradoxe de l'époque : alors que la gauche se « droitise », le chef de guerre qui lutte contre elle est de plus en plus populaire et mène à Paris une politique sociale en décalage avec ses options reaganiennes affichées. Regonflé par ses succès, recommençant à regarder plus loin, il ose envisager une victoire aux législatives de 1986. Ayant compris que François Mitterrand ne démissionnerait pas si une pareille situation se présentait, l'ami « Édouard » entreprend de réfléchir à ce cas de figure. Le 16 septembre 1983, à la une du Monde , Balladur évoque la possibilité d'une « cohabitation » entre un président de gauche et un Premier ministre de droite. S'il démontre que la Constitution de la V e République rend possible une telle combinaison, il n'en demeure pas moins que cet article, rédigé par un homme du clan gaulliste, marque une rupture. C'est de ce jour que Jacques Chirac en fait son « connétable » : Balladur devient le conseiller le plus écouté du patron du RPR, au grand dam de Charles Pasqua et consorts.
Pour honorer une des promesses électorales de François Mitterrand, les socialistes ont décidé de créer un grand service public unifié et laïc de l'Éducation nationale, réservant les fonds publics à l'école publique. Mais ce projet ravive de très vieilles querelles. La guerre scolaire est rallumée, risquant une nouvelle fois de couper le pays en deux. Chirac est convaincu que, dans cette affaire, François Mitterrand continue d'en découdre avec sa propre enfance. Malgré les résistances de l'épiscopat qui essaie de
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