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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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permanent avec François Mitterrand !
    – Il n'y a jamais eu d'affrontements à proprement parler…
    – Sauf, quand même, ce difficile face-à-face télévisé, à la fin de votre cohabitation, quand vous lui demandez : Pouvez-vous vraiment contester ma version des choses en me regardant dans les yeux ?
    – Oui, c'était à la télévision… Mais je parle de ce qui a été raconté par certains, probablement sur la base d'informations fournies par des collaborateurs, ou les miens ou les siens, selon lesquelles on aurait connu des moments de tension, des passes difficiles au cours desquelles nous nous serions affrontés. François Mitterrand a toujours été avec moi d'une courtoisie parfaite ; nous n'avons jamais eu de frictions et nous avons toujours veillé à ce qu'il en soit ainsi… Si bien qu'il est faux de dire que nos relations aient été marquées par des tensions ou des difficultés. Il y a eu probablement des problèmes, mais qui ne conduisaient pas à susciter des tensions entre nous. Moi, j'ai gardé de Mitterrand un souvenir agréable. C'était un homme vraiment malin, il essayait bien de manipuler un peu son monde, mais tous les hommes politiques sont ainsi faits, il n'y a pas d'exceptions. »
    Une autre fois, on l'a vu, le président a tenu à souligner que François Mitterrand « incarnait la France » au même titre que de Gaulle et Pompidou. Je ne crois pas me laisser aller à faire de la psychologie de café du commerce en suggérant qu'il en a fait a posteriori un autre père spirituel à qui il rendit d'ailleurs, quelques heures après sa mort, un hommage on ne peut plus émouvant. Essayant de le faire s'exprimer sur ses heurts ou ses conflits avec lui, j'ai compris qu'il ne souhaitait pas ou ne pouvait pas en parler, ce qui revenait au même. Il n'a accepté de se confier que sur le versant positif de leurs rapports. J'entends encore, lors de notre premier entretien, l'émotion pudique que trahissaient ses mots lorsqu'il me conta comment François Mitterrand avait tenu à l'installer dans le bureau présidentiel, remis par ses soins dans l'état où il se trouvait aménagé au temps du général de Gaulle. Hubert Védrine, qui fut cinq ans durant son ministre des Affaires étrangères, témoigne aujourd'hui que le président de la République le faisait beaucoup parler de son prédécesseur à l'Élysée ; quand il avait certaines décisions importantes à prendre, il lui demandait ce que le président Mitterrand aurait pensé ou fait à sa place 1 .
    Durant cette longue période, Jacques Chirac, obnubilé par le personnage qui lui bouchait et lui obscurcissait l'horizon, mais toujours animé de la même impatience et de son énergie hors normes – sa marque de fabrique –, ne se faisait pas encore suffisamment confiance pour définir lui-même une stratégie solide et lisible, capable de lui permettre, à terme, d'occuper pleinement la place de ce maître en politique. Il continua de se laisser souvent ballotter par ses conseillers, en premier lieu par Édouard Balladur, mais aussi par Charles Pasqua et quelques autres un peu moins influents, comme Jacques Toubon, Alain Juppé, Michel Roussin. Ayant le sentiment de connaître aujourd'hui un peu mieux Jacques Chirac, je me demande comment deux êtres aussi dissemblables que Balladur et lui purent si longtemps être intimes. Quand j'ai fait part de mon étonnement à ce propos au président, il m'a répondu très sobrement :
    « Moi aussi… »
    Puis a enchaîné sur une anecdote qui l'a beaucoup marqué, puisqu'il me l'a rapportée à deux reprises : « Après notre victoire aux législatives de 1986, Balladur et moi étions à la mairie de Paris pour former le gouvernement. Tout était fini, Édouard Balladur allait prendre, comme il le souhaitait, le ministère de l'Économie et des Finances. Je me lève pour partir quand il me dit :
    – Jacques, je vous demanderais bien quelque chose.
    – Demandez-moi ce que vous voulez, Édouard.
    – Voilà : j'aurais été content d'être ministre d'État.
    « Les bras m'en sont tombés, car, pour ma part, je ne suis pas du tout attaché à ce genre de chose.
    – Écoutez, Édouard, si vous voulez être ministre d'État, c'est possible : cela a existé par le passé, il n'y a donc pas de problème.
    « Il m'a dit merci.
    « C'est drôle, où vont se loger les petites vanités… »

    Son calcul selon lequel les Français, après avoir porté François Mitterrand à

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