L'inconnu de l'Élysée
été hué pendant la moitié de mon discours, puis j'ai été ovationné debout, à la fin, après avoir dit qu'il fallait voter au rebours de ce que tous ou presque avaient pensé voter… Ça, ça n'existe plus. Le RPR a bien disparu ! »
Le « oui » l'a emporté et Jacques Chirac a pu se consacrer en toute quiétude à la préparation des législatives.
Au cours des trois derniers mois, il visite trente-six départements, parcourt 25 000 kilomètres et conduit la droite à une victoire éclatante. Le 23 mars 1993, Jacques Chirac demande à François Mitterrand de quitter l'Élysée : « Si le second tour confirme le message du premier, le président de la République devrait en tirer toutes les conséquences. Ce serait de l'intérêt de la France que de ne pas rester, vis-à-vis de ses partenaires étrangers, dans une certaine ambiguïté. Son intérêt serait sans aucun doute que M. Mitterrand démissionne et que nous ayons de nouvelles élections présidentielles. »
Le lendemain 24 mars a lieu le dernier Conseil des ministres du gouvernement Bérégovoy, donc l'ultime Conseil d'un gouvernement de gauche durant le second septennat de François Mitterrand. Le président répond à Jacques Chirac : « Bien sûr, la question m'est à nouveau posée : faut-il rester ? faut-il partir ? Je me la suis également posée. Si je ne l'avais fait de moi-même, j'y aurais été conduit par l'ampleur de l'offensive visant à obtenir mon départ. Elle a commencé il y a quelques mois déjà. Elle s'intensifiera dès lundi. Je peux d'ailleurs comprendre que le RPR demande ma démission. C'est le seul moyen, pour son président, d'espérer accéder à la présidence de la République dès le mois de mai. Car il n'est pas assuré que la gestion des affaires du pays pendant deux ans par la nouvelle majorité lui permette de retrouver la même audience en 1995 […]. Mais j'ai un devoir à accomplir. Devoir d'État, bien sûr, mais aussi celui de signifier que les forces rassemblées au cours de ces douze dernières années ne sont pas anéanties et qu'elles auront encore, dans l'avenir, un rôle à jouer. Je dois incarner ce combat, et je le ferai. Même si je n'ignore pas que je vais être la cible d'attaques de toutes sortes. Mais on ne parviendra pas à me faire entrer dans la “ratière”. D'ailleurs, si j'étais ce général défait que l'on décrit, à qui devrais-je remettre mon épée ? À Chirac ? À M. Giscard d'Estaing ? Ou bien plutôt à M. Bouygues ou à Patrick Poivre d'Arvor ?… »
Le dimanche 28 mars, la droite triomphe, mais le général victorieux a décidé de pas toucher lui-même les fruits de la victoire. Parce qu'il ne garde pas un bon souvenir de son second passage à Matignon, parce qu'il estime qu'on ne peut passer de Matignon à l'Élysée, parce qu'il s'est entendu avec son vieil ami Édouard qui l'aidera, le jour venu, à conquérir l'Élysée, il laisse Matignon au « connétable » Balladur.
1 Voir la quatrième partie.
2 L'Autre Chirac , op. cit.
3 Ibid.
4 Jean-François Probst dans le documentaire de Patrick Rotman, Le Vieux Lion , op. cit.
5 Lire à ce sujet Pierre Péan et Christophe Nick, TF1, un pouvoir , Fayard, 1997.
6 Lire à ce sujet Pierre Péan, La Menace , Fayard, 1987.
7 L'homme qui ne s'aimait pas , op. cit.
8 Dans trois enquêtes : Pierre Péan, La Menace , op. cit. ; Vol UT 772, Stock, 1992 ; Manipulations africaines , Plon, 2001.
9 Jacques Chirac , op. cit.
10 Michel Junot, Quand les Parisiens aimaient leur maire , Éditions de Fallois, 2006.
11 Daniel Carton, dans La Deuxième Vie de Charles Pasqua , édité chez Flammarion en 2001, évoque deux déjeuners entre Pasqua et Le Pen, entre février et fin mars 1988, Balladur s'étant joint au second. Il raconte qu'entre les deux tours, Pasqua aurait tout fait pour convaincre Chirac de téléphoner à Le Pen. Lors d'une ultime tentative, Pasqua aurait perdu patience et cassé une chaise en apostrophant le Premier ministre : « Tu ne seras jamais président parce que tu n'as pas de couilles au cul ! », ce à quoi Chirac aurait répondu : « Jamais tu ne me feras pactiser avec le diable ! »
12 Dans Le Vieux Lion , op. cit.
13 Le samedi 4 juillet 1992, à Paris, Jacques Chirac est hué par la majorité des deux mille cadres du RPR quand il annonce qu'il votera « oui » au référendum de ratification du traité de Maastricht, le 20 septembre, « en toute lucidité, sans
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