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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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En plus, Marchiani réclamait sans cesse de l'argent – que je ne lui donnais pas. Pasqua, lui, voulait que je prélève sur les fonds spéciaux de Matignon pour payer Marchiani… »

    Entre les deux tours de l'élection présidentielle, Jacques Chirac fait également l'objet de fortes pressions d'Édouard Balladur et de Charles Pasqua pour conclure un accord politique avec Jean-Marie Le Pen qui a obtenu 14,39 % des voix au premier tour. Sujet où l'on revoit le « Chirac intime » refuser absolument de se laisser influencer par ses deux principaux conseillers, devenus pourtant les deux hommes forts du gouvernement de cohabitation.
    Quand, en avril 1985, François Mitterrand a décidé d'abandonner le scrutin majoritaire pour la proportionnelle, Jacques Chirac est entré dans une forte colère contre le président qui, estimait-il, faisait ainsi la courte échelle à Le Pen et au Front national, objet majeur de sa détestation. Le 22 juin, il expliquait ainsi à Franz-Olivier Giesbert qu'il ne fallait pas « jouer au con », ajoutant : « C'est l'un de ces moments historiques où la petite graine du racisme qui existe dans le cœur des hommes peut prendre […]. Il y a une chose qui me ferait prendre les armes et descendre dans la rue : c'est le racisme 9 . » Voilà en tout cas un point sur lequel la prétendue girouette n'a pratiquement jamais changé d'orientation.
    Si, en mars 1983, à Paris, il avait refusé que Le Pen, qui avait obtenu 11 % des voix dans le xx e  arrondissement, intègre la majorité municipale, il avait en revanche, quelques mois plus tard, lors d'élections municipales partielles à Dreux, laissé le candidat RPR conclure entre les deux tours un accord avec le FN, et ainsi permis à Marie-France Stirbois de prendre la mairie. Une forte victoire symbolique marquant l'irruption de l'extrême droite dans la vie politique française. Jacques Chirac regrettera sur-le-champ cette faute qu'il qualifiera lui-même d'« erreur historique » commise par mégarde.
    Quelques mois plus tard, Robert Pandraud, directeur de cabinet du maire de Paris, jugeant l'attitude de Jacques Chirac « stupide », demanda à Michel Junot, adjoint au maire, de l'accompagner dans le bureau du patron pour tenter de le convaincre d'en changer. Junot raconte 10  : « Jacques Chirac nous accueillit, amical et détendu, tisonnant comme il aimait à le faire son feu de bois, jusqu'à ce que Bob [Robert Pandraud] aborde le sujet Le Pen. Aussitôt ce fut l'explosion : “Je hais cet homme, il représente tout ce que je déteste. Je me refuse à tout contact avec lui et les siens !” Pandraud eut beau exposer que lui et moi connaissions Le Pen, qu'il était moins extrémiste que ce que l'on disait, que l'on pouvait parler avec lui, que ses voix étaient nécessaires, voire indispensables, pour obtenir une majorité, enfin que les socialistes, eux, n'avaient pas de telles exclusives à l'égard des trotskistes et de ceux qui ne reniaient pas les pires crimes du bolchevisme ; Chirac n'accepta pas le moindre début de discussion. »
    Le président ne renâcle pas à parler aujourd'hui de son attitude envers l'extrême droite et Le Pen : « J'ai toujours été allergique au Front national, c'est quasiment physique, je ne peux supporter tout ce qui est racisme et xénophobie. » Et d'insister : « C'est physique, je hais tout ce que cela représente ! »
    Il me raconte une anecdote destinée à illustrer son propos : « Au mois d'août 1987, je passais quelques jours de vacances avec ma femme à Cannes, à l'hôtel du Cap. J'étais allé me baigner, je remonte le petit chemin qui relie la plage à l'hôtel, quand un type se précipite sur moi et me dit : “Bonjour, Monsieur Chirac.” Je tends la main, mais, au moment précis où je lève la tête, je m'aperçois que c'est Le Pen. Je retire ma main et lui tourne le dos, mais trop tard : j'ai été piégé par Le Pen qui a fait prendre une photo de cette rencontre montée par lui. Un peu plus tard, le patron de l'agence Sipa, Sipahioglu, m'appelle et demande à me voir. Je le vois. Il me montre la photo prise à Cannes :
    – On me propose ce cliché, me dit-il. Je suis très choqué, je suis contre ce genre de méthode. J'ai acheté cette photo.
    « Je lui propose alors de la lui racheter.
    – Il n'en est pas question. Je l'ai achetée parce que je considère que c'est de mon devoir, mais je refuse que vous me la rachetiez. Je vous en fais

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