L'inconnu de l'Élysée
ce principe de laïcité est le « pilier de notre unité et de notre cohésion… un principe sur lequel nous ne transigeons pas ». Les collaborateurs du Président travaillent alors à élaborer un texte de loi visant à interdire le voile à l'école. Mais ce texte est complexe et lesdits conseillers ne sont pas certains qu'il soit avalisé par le Conseil constitutionnel. Jacques Chirac n'entend pas passer en force et décide alors de créer une commission dirigée par Bernard Stasi. Au début, les membres de cette commission sont majoritairement contre l'interdiction du voile. Parallèlement, Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, crée une autre commission poursuivant les mêmes objectifs. Les membres des deux commissions prennent bientôt conscience à quel point l'affaire du voile est en fait une arme dirigée contre la République. La commission Stasi unanime (un de ses membres ne prend pas part au vote) se prononce alors pour l'interdiction de tous les signes religieux arborés de manière ostentatoire. La commission Debré, soutenue par les socialistes, plus laïcistes, adopte des positions plus radicales. Satisfait de cette évolution, Chirac prononce le 17 décembre 2003 un discours pour annoncer le vote d'une loi : « Tous les enfants de France, quelle que soit leur histoire, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur croyance, sont les filles et les fils de la République » ; en conscience, il estime que « le port de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l'appartenance religieuse doit être proscrit dans les écoles, les collèges et les lycées publics ». Quatre jours après ce discours, la situation se tend, avec deux manifestations de filles voilées qui, à Paris et à Strasbourg, réunissent plus de monde que prévu. De très fortes réactions dans le monde arabe relaient cette opposition à la loi interdisant le voile à l'école. À l'intérieur de la majorité, de plus en plus de voix s'élèvent vers la présidence pour que le recours à la loi soit abandonné. Beaucoup ont peur que le texte mette le feu aux banlieues. Jean-Pierre Raffarin relaie ces peurs. À gauche, les Verts, la LCR et divers mouvements d'extrême gauche stigmatisent le recours à la loi, mais ils ne font pas le poids face à la machine socialiste qui – François Hollande et Jean-Marc Ayrault en tête – en soutient le principe. Le texte de loi est voté le 15 mars 2004 et les manifestations s'arrêtent du fait de l'impact des attentats de Madrid survenus le 11 mars. L'UOIF (Union des organisations islamistes de France, réputée proche des Frères musulmans, la plus active sur le terrain) remise ses pancartes, ses banderoles et ses mots d'ordre.
Dans la même logique républicaine, Jacques Chirac s'est engagé à lutter contre toutes les formes de discrimination, notamment celles qui se fondent sur l'origine, la confession ou le lieu de vie. Il a créé à cette fin la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) en 2004 et a installé à sa tête Louis Schweitzer, ancien président de Renault. « Lorsqu'un CV passe à la corbeille en raison de l'origine, de l'âge ou tout simplement de l'adresse du demandeur ; lorsque le postulant à un logement se voit, de fait, écarté à cause de son nom ; lorsqu'un jeune homme se voit refuser l'entrée d'une boîte de nuit à cause de la couleur de sa peau ; lorsqu'une personne homosexuelle se voit privée d'une promotion méritée pour la seule raison qu'elle est homosexuelle ; lorsqu'une femme est moins payée que son homologue masculin, je veux que la Halde puisse être leur recours, et qu'ils aient le réflexe de la saisir 4 . » La Halde a pour mission d'accompagner et de conseiller la victime d'une discrimination afin de lui permettre d'obtenir réparation. Elle dispose de larges pouvoirs, y compris, depuis la loi de 2006 sur l'égalité des chances, des pouvoirs de sanction.
Depuis juillet 2006, tout immigrant doit signer un contrat d'accueil et d'intégration, assorti de droits et de devoirs, qui prépare son intégration républicaine dans la société française. L'immigrant s'engage à suivre une formation civique comportant une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l'égalité entre hommes et femmes, la laïcité, et, si besoin est, une formation linguistique. L'État s'engage à dispenser gratuitement ces formations.
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