L'inconnu de l'Élysée
contre l'« esprit de haine », qui visaient l'extrême droite 2 .
« Quand souffle l'esprit de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l'exclusion. Quand, à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d'une idéologie raciste et antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais. En la matière, rien n'est insignifiant, rien n'est banal, rien n'est dissociable. Les crimes racistes, la défense de thèses révisionnistes, les provocations en tout genre, les petites phrases, les bons mots, puisent aux mêmes sources. »
Aujourd'hui, dans une conversation à bâtons rompus, sans conseillers, sans « nègres » pour habiller sa pensée, lui conférer plus de lustre et de solennité, Jacques Chirac s'exprime du plus profond de ses tripes sur une question qui, plus que toutes, lui tient à cœur et sur laquelle il est souvent revenu au cours de nos entretiens.
« Je suis viscéralement contre tout ce qui est antisémite. Je suis antiraciste, je ne supporte pas le racisme, je ne le comprends pas, tout comme je ne comprends pas l'antisémitisme. Les Juifs ont apporté énormément à la France. Le seul reproche qu'on peut leur faire, c'est d'être souvent plus intelligents que les autres… Quand on s'est mal conduit, il faut le reconnaître d'une façon ou de l'autre. Ce qui s'est passé avec les Juifs pendant la guerre est impardonnable, et il y a un moment où il faut le dire. En 1995, j'ai voulu le dire sans agressivité… Cela n'a absolument rien à voir avec la repentance. Quand on a commis une faute, il n'y a pas d'inconvénient à la reconnaître, et on se grandit en la reconnaissant… »
Jacques Chirac a effectué la même démarche pour ce qui concerne l'esclavage. Déjà, en 2001, la France avait été le premier pays à reconnaître dans l'esclavage un crime contre l'humanité. En janvier 2006, le président a fait du 10 mai la date annuelle de commémoration de l'esclavage et de son abolition. Il a rappelé qu'assumer toute son histoire, y compris sa part d'ombre, était la condition nécessaire pour « qu'un peuple se rassemble, qu'il devienne plus uni, plus fort. C'est ce qui est en jeu à travers les questions de la mémoire : l'unité et la cohésion nationale, l'amour de son pays, la confiance dans ce que l'on est ».
La reconnaissance des pages sombres de l'Histoire de France a permis à Jacques Chirac d'en célébrer d'autant mieux les pages les plus glorieuses, celles écrites par Jeanne d'Arc, par les poilus de Verdun, par de Gaulle le 18 juin 1940, par la Résistance, en soulignant notamment l'importance de la création du Conseil national de la résistance à l'initiative du Général et de Jean Moulin… Dans le discours où il reconnut que Vichy avait commis « l'irréparable », il a évoqué « la France, une certaine idée de la France, droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a jamais été à Vichy […]. Elle est présente, une et indivisible, dans le cœur des Français, ces “Justes parmi les nations” qui, au plus noir de la tourmente, en sauvant au péril de leur vie, comme l'écrit Serge Klarsfeld, les trois quarts de la communauté juive résidant en France, ont donné vie à ce qu'elle a de meilleur ». Le 18 janvier 2007, jour anniversaire de l'arrivée de l'Armée Rouge à Auschwitz, Jacques Chirac, bouclant la boucle, a rendu hommage, au Panthéon, aux Justes de France, reconnus ou anonymes, qui « ont contribué à protéger les trois quarts de la population juive d'avant-guerre de la déportation, c'est-à-dire d'une mort presque certaine […]. Il y a des ténèbres. Mais il y a aussi la lumière […]. Des Françaises et des Français en très grand nombre vont montrer que les valeurs de l'humanisme sont enracinées dans leurs âmes […]. Notre histoire, il faut la prendre comme un bloc. Elle est notre héritage, elle est notre identité 3 … »
L'irruption du voile islamique dans quelques écoles de la République et l'ultramédiatisation de ces quelques cas ont obligé la société française à ouvrir un nouveau débat sur la laïcité, véritable fondement du vivre-ensemble républicain. Le 22 mai 2003, à l'occasion du 60 e anniversaire du CRIF, Jacques Chirac rappelle que
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