L'inconnu de l'Élysée
enthousiasme mais sans états d'âme, car, lorsqu'il s'agit de la France et de sa place dans l'Europe, l'ambiguïté ne peut être de mise ».
IV
Un président atypique
face aux nouveaux défis : mondialisation de l'économie,
emprise croissante de l'Europe,
montée des extrémismes,
choc des cultures…
mais aussi face aux « affaires »
25.
Contre l'extrême droite
et les extrémismes,
une autre vision de la France
Comme plus de 25 millions de Français, j'ai voté au printemps 2002 pour Jacques Chirac en lui confiant un mandat très clair que lui-même exprimait ainsi, le 2 mai : « L'extrême droite divise, trie et rejette. Elle veut introduire l'inégalité et la discrimination au cœur de la Constitution. Elle est un moteur d'exclusion, de discorde et de violence sociale. Elle refuse de voir la France comme un tout, de mettre en valeur toutes ses richesses et sa diversité, de faire jouer toutes ses solidarités. Je veux une France unie. Une France où les différences s'additionnent au lieu de se combattre. Une France qui réapprenne à faire vivre ensemble des femmes et des hommes de toutes origines. » En le réélisant à plus de 82 % des votants, le peuple français lui confiait pour principale mission de faire barrage à Le Pen et aux idées que celui-ci véhiculait, et plus largement à tous les racismes, à l'antisémitisme comme à l'islamophobie, aux exclusions et aux discriminations. A-t-il rempli la mission que, parmi des millions d'autres, je lui avais alors confiée ?
Jacques Chirac a remis l'unité et l'indivisibilité de la République, son fondement premier, au cœur du quinquennat qui s'achève en 2007. Pour mobiliser les énergies en faveur de cet idéal républicain, il a impulsé une nouvelle loi sur la laïcité, combattu la dérive communautariste, créé une Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), instauré une journée de commémoration du souvenir de l'esclavage et de son abolition, lancé la création d'une Cité nationale de l'histoire de l'immigration qui verra le jour en avril 2007, conçu et élaboré un contrat d'accueil et d'intégration… Toutes mesures entrant dans le cadre de son mandat. Aurait-il pu faire mieux ? Certainement, mais, à part le faux pas commis dans les rangs de sa majorité sur les « aspects positifs de la colonisation », il est difficile de ne pas lui reconnaître une grande cohérence dans ce combat qu'il mène de longue date.
Avant d'entrer à l'Élysée, Jacques Chirac a, on l'a vu, refusé toute collaboration avec Jean-Marie Le Pen et le Front national dès lors que ce parti s'est trouvé en position de jouer un rôle important sur l'échiquier politique. Cette position, il l'a solennellement rappelée le 23 mars 1998 à l'occasion des élections régionales où quelques hommes politiques de droite – Charles Millon en Rhône-Alpes, Charles Baur en Picardie, Jean-Pierre Soisson en Bourgogne, Jacques Blanc en Midi-Pyrénées – acceptèrent de faire alliance avec l'extrême droite pour être élus à la présidence de leur région : « À la droite républicaine, je voudrais dire qu'elle peut convaincre sans se renier. Elle a pris des engagements, maintes fois répétés, aux termes desquels elle n'accepterait aucune compromission avec l'extrême droite. Ses engagements doivent être respectés dans la lettre, mais aussi dans l'esprit. Si je tiens à rendre hommage à tous ceux qui ont fait preuve de courage et de clairvoyance, je ne peux que désapprouver celles et ceux qui ont préféré les jeux politiques à la voix de leur conscience. Cette attitude, même si elle répond à la volonté de faire barrage à l'adversaire, n'est pas digne, et elle peut être dangereuse. »
Quelques semaines après son arrivée à l'Élysée, lors de la commémoration de la grande rafle du Vel' d'Hiv' des 16 et 17 juillet 1942, Jacques Chirac avait déjà posé un acte à forte charge symbolique en reconnaissant la responsabilité de l'État français dans les crimes perpétrés par Vichy à l'égard des Juifs. Il rompait ainsi avec tous ses prédécesseurs de la V e République, de Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing et François Mitterrand, qui estimaient que la République n'avait pas à demander pardon pour des crimes qu'elle n'avait pas commis, Vichy constituant pour le pays occupé une parenthèse dans son histoire 1 . Durant cette commémoration, il avait prononcé des paroles vigoureuses
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