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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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très atypique.
    – Vos précautions de langage s'expliquent-elles par la peur de manquer de respect aux autres et d'être assimilé à ceux qui « dérapent »…
    – Peut-être. Mais je vous rappelle que quand il y a eu la guerre d'Algérie, j'aurais très bien pu me dispenser d'aller servir en Algérie, puisque j'étais à l'ENA. J'y suis parti comme volontaire. Je ne me suis même pas posé la question de la légitimité de cette guerre. Enfin si, je me la suis posée, mais je n'ai pas éprouvé pour autant la moindre hésitation à partir dans les djebels… Puisque la France avait décidé – à tort ou à raison – que l'Algérie devait rester française, eh bien, je lui apportais ma contribution…
    – Le plus étonnant, c'est qu'alors que les Français vous reconnaissent à l'évidence comme un citoyen de la France profonde, vous n'extériorisez pas cette appartenance… Autant vous arrivez à parler avec aisance de pays éloignés, exotiques, autant vous avez du mal à parler de notre pays. Vous semblez avoir en permanence le souci de corriger une certaine idée ou image de la France… Une France qui, justement, n'aurait pas toujours respecté les autres. Vous avez peur des dérives nationalistes, si contraires à votre univers…
    – Pas seulement des dérives nationalistes, mais des dérives racistes et antisémites qui, à mes yeux, sont radicalement contradictoires avec l'idée que je me fais de la France, et qui, de toute façon, doivent être condamnées parce qu'humainement insupportables.
    Pourtant, trente ans plus tôt, Jacques Chirac ne craignait pas d'exprimer son amour de la France de façon on ne peut plus cocardière 6 . J'entends bien continuer à approfondir notre discussion sur cette question clé. Lui-même est conscient qu'il devrait aller plus loin pour expliquer, lui, président de la République française, son rapport à la France.
    – Avez-vous conscience d'avoir connu une singulière évolution ? Ou bien est-ce la fonction présidentielle qui est à l'origine de ce changement ?
    – Je ne saurais vous répondre avec beaucoup de précision, si ce n'est en disant que, pour moi, la France, c'est ce qu'on a sous ses semelles. J'étais profondément corrézien. Je ne concevais pas de me présenter ailleurs que là où j'avais une attache avec la terre et les hommes qui vivent dessus. C'est quelque chose de charnel.
    Il insiste beaucoup sur son approche charnelle de ce pays. Et rappelle pourquoi, après avoir été élu maire de Paris, il a refusé de devenir député de la capitale.
    – Les gens à Paris me disaient que c'était ridicule de rester élu de Corrèze : « Aux prochaines élections, il faut que tu te présentes dans une circonscription en or massif ; comme ça, tu pourras te consacrer entièrement à la mairie de Paris… » Et je me souviens fort bien que je leur répondais : « Si je suis député à Paris, je serai désormais uniquement parisien, et j'aurai perdu mon ancrage dans la France de mes origines… » C'est vous dire comme j'ai assumé jusqu'au bout mon mandat de député de Corrèze, quelles qu'aient été les contraintes que cela représentait pour moi. Je l'ai fait ni par devoir ni même par conviction, car c'était pour moi naturel, je le faisais avec plaisir. Quand je suis chez moi en Corrèze, j'ai vraiment le sentiment d'être parmi les Français, d'être en France… C'est comme ça : il pourrait en aller de même si j'étais en Périgord, en Provence ou en Champagne, mais bon… Tout ça pour vous dire que, pour moi, avec la France, la relation est très charnelle, ce qui n'empêche pas de lui assigner une place particulière dans le monde… Vous comprenez, je me sens bien quand je suis en train de manger la soupe chez un paysan ou dans un café de village…
    – Là, vous n'avez nul besoin de vous forcer.
    – Je n'ai pas besoin de me forcer, c'est naturel, c'est là ma France. Chacun doit avoir une attache personnelle avec un coin de pays. On peut bien sûr être français sans être corrézien, je ne le conteste pas ! (Gros rire.) Mais la patrie, on l'a sous ses pieds.
    Je le relance sur certaines affirmations relatives à l'histoire de France qu'il a faites dans La Lueur de l'espérance . Il écrivait ainsi sur le Moyen Âge : « La période qui me séduit le plus, c'est le Moyen Âge. Je crois que c'est une des rares périodes où il y ait eu un véritable équilibre social. »
    – Je me souviens avoir écrit

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