L'inconnu de l'Élysée
étaient en cause la paix ou la guerre, de prendre position, eux qui venaient d'entrer dans l'Europe, sans avoir procédé à la moindre consultation. Je l'ai dit maladroitement, ils se sont vexés, c'est comme ça ! »
Jacques Chirac n'aime pas les détails et a tôt fait par conséquent de les oublier. Il faut lui rappeler le flottement de Villepin et sa réaction brutale à Bruxelles pour qu'il le conteste et impute ce flottement à l'influence de l'administration du Quai sur le ministre. Il faut lui rappeler que de grands patrons et le MEDEF ont exercé de très fortes pressions sur le gouvernement au prétexte que la position de Paris allait coûter très cher à l'économie française – pour qu'il acquiesce. Lui rappeler aussi les pressions exercées par diverses personnalités politiques de sa majorité, car son refus de suivre l'administration Bush a en effet réveillé dans son propre camp les atlantistes et un certain nombre d'intellectuels. Un Jean-Jacques Descamps, député maire UMP de Loches, qui dit « préférer le quatuor Bush-Blair-Aznar-Berlusconi au duo Schröder-Poutine ». Un Pierre Lellouche qui cosigne une tribune avec un élu américain du Congrès, Hervé Novelli. Alain Madelin, Ladislas Poniatowski qui défendent l'Alliance atlantique. Charles Millon, Hervé Mariton, Claude Goasguen qui veulent voir Chirac chausser les bottes texanes de Bush. Un Renaud Donnedieu de Vabres, plutôt embarrassé. Alors que la gauche (à part Bernard Kouchner), voire l'extrême gauche (LCR et Attac) soutiennent Chirac, un Pascal Bruckner, un André Glucksmann, un Alain Finkielkraut et un Romain Goupil disent « oui » à la guerre et critiquent par avance l'éventuel veto opposé par la France à une seconde résolution du Conseil de sécurité.
Tandis que les bruits de bottes, ou plutôt ceux des tanks et des F-16 se font de plus en plus audibles, Jacques Chirac décide de faire partager au plus grand nombre de Français les motifs de sa décision de ne pas entrer dans la coalition qui va renverser Saddam Hussein, et d'utiliser s'il le faut l'arme absolue de la diplomatie : le veto au Conseil de sécurité. Le 10 mars, il répond depuis l'Élysée aux questions de Patrick Poivre d'Arvor et de David Pujadas. En réponse à leur première question, le président explique le monde multipolaire pour lequel il se bat, suivant une approche opposée à celle prônée par l'administration Bush : « Un monde qui privilégie le respect de l'autre, le dialogue des cultures, le dialogue des civilisations, et qui essaie d'éviter les affrontements. » Il rappelle que la communauté internationale, en votant à l'unanimité au Conseil de sécurité la résolution 1441, a pris une décision qui consistait à dire : « Nous allons désarmer l'Irak de manière pacifique, c'est-à-dire par les inspections. Nous allons nommer des inspecteurs, et eux nous diront si cette voie est possible ou si elle ne l'est pas. » Et d'expliquer aux Français que les inspections ont permis « d'éradiquer complètement – pratiquement complètement, vraisemblablement –, en tout cas selon les dires des inspecteurs, le programme nucléaire de l'Irak », et qu'en donnant du temps aux inspecteurs, « on pouvait atteindre l'objectif fixé, c'est-à-dire l'élimination des armes de destruction massive ». « Aujourd'hui, rien, rien ne nous dit que cette voie est sans issue, et par conséquent il faut la poursuivre dans la mesure où la guerre, c'est toujours un ultime recours, c'est toujours un constat d'échec, c'est toujours la pire des solutions, parce qu'elle sème la mort et la misère. Et nous n'en sommes pas là, de notre point de vue. C'est la raison pour laquelle nous refusons de nous engager dans une voie qui conduirait automatiquement à la guerre, tant que les inspecteurs ne nous auront pas dit : “Nous ne pouvons plus rien faire.” Or ils nous disent le contraire… Certains de nos partenaires, qui ont leurs raisons, considèrent qu'il faut en réalité en terminer vite et par une autre approche, celle de la guerre […]. Autrement dit, on passe d'un système qui était celui de la poursuite des inspections pour désarmer l'Irak, à un autre système qui consiste à dire : Dans tant de jours, on fait la guerre. La France ne l'acceptera pas et donc refusera cette solution […]. Ma position, c'est que, quelles que soient les circonstances, la France votera non, parce qu'elle considère ce soir qu'il n'y a
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