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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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l'été 2002, l'Allemand a en effet bâti une partie de sa campagne électorale sur son opposition à la guerre en tenant un discours très anti-américain. Une fois réélu, lui qui depuis 1998 battait froid Chirac, à la fois à cause de la Politique agricole commune et du poids, jugé par lui insuffisant, de l'Allemagne au sein des instances européennes, s'est rapproché du président français. Ce rapprochement a été remarqué par tous, le 22 janvier, au château de Versailles, lors des festivités célébrant le quarantième anniversaire du traité de l'Élysée et réunissant un millier d'élus français et allemands. Les deux dirigeants montrèrent, par leurs effusions, que le couple franco-allemand avait trouvé un nouveau souffle. Le Conseil des ministres tenu en commun constitua un symbole fort de ces nouveaux rapports. L'affaire irakienne offrait le premier terrain d'application à cette amitié retrouvée, ainsi que le souligna Jacques Chirac : « Le monde est confronté à des situations de crise, hélas, sur l'ensemble des continents. Je pense bien sûr à l'Irak. C'est là un défi majeur. La guerre n'est pas inévitable. Le seul cadre d'une solution légitime est celui des Nations unies. La France et l'Allemagne, en présidence successive au Conseil de sécurité, mènent une concertation étroite et exemplaire pour donner toutes ses chances à la paix. »
    Dans ses Mémoires 10 , Gerhard Schröder raconte le changement que la crise irakienne a opéré dans leurs relations : « La complicité grandissante qui s'était établie avec le président de la République française Jacques Chirac a été cruciale ; elle m'a donné le courage de résister au feu roulant auquel j'étais exposé à l'intérieur comme à l'étranger. Jacques Chirac a adopté une attitude quasi stoïque, même au plus fort de la tempête qui soufflait sur l'Atlantique. […] Cette période avant et après la guerre en Irak ainsi que les semaines terrifiantes de l'invasion américaine ont profondément modifié mes relations personnelles avec Jacques Chirac et Vladimir Poutine. Nous nous étions beaucoup rapprochés ; nous avions appris à avoir confiance les uns dans les autres. Au début de mon mandat, notamment lors du sommet de l'Union européenne sous ma présidence à Berlin en 1999, mes relations avec le président français étaient empreintes de distance, voire d'une certaine froideur. Mais, par ailleurs, Jacques Chirac est quelqu'un dont on doit d'abord s'approcher, lorsqu'il le permet, pour découvrir qui se cache derrière les grands gestes de ce Français aux convictions inébranlables.
    Bernadette Chirac facilite cette ouverture. Et puis il y a aussi ma famille, mon épouse et mes enfants, par l'intermédiaire desquels des liens affectifs se sont noués. Il éprouve notamment une grande tendresse pour Viktoria, notre fille adoptive russe. Ils continuent de se téléphoner de temps en temps. Comme il n'y a pas d'interprète, ils peuvent s'entendre, mais non se comprendre, et pourtant leur relation n'en pâtit pas. »

    Si l'affaire irakienne a contribué au rapprochement franco-allemand, elle a en revanche provoqué une grave crise en Europe. Une lettre et une déclaration vont la révéler. Le Wall Street Journal publie le 30 janvier une lettre cosignée par Tony Blair, José Maria Aznar, Silvio Berlusconi ainsi que par les présidents ou premiers Ministres du Portugal, du Danemark, de la République tchèque, de la Hongrie et de la Pologne, affirmant que le « lien transatlantique est la garantie de notre liberté ». Ni les instances européennes, ni la France ni l'Allemagne n'ont été prévenues de ce qui est ressenti, à Bruxelles, Paris et Berlin, comme un coup très violent assené à l'édifice européen. Libération prête alors à Chirac ce propos : « C'est marrant, je viens d'avoir Blair au téléphone, et il ne m'en a pas soufflé mot ! » Quelques jours plus tard, cinq pays candidats (les trois Pays baltes, la Slovénie et la Slovaquie) à entrer dans l'Union européenne, deux pays candidats dont la candidature a été reportée (Roumanie et Bulgarie), et trois pays qui n'ont pas encore le statut de candidats (Croatie, Macédoine et Albanie), cosignent une déclaration de la même encre, dite « déclaration de Vilnius ». « Crise » n'est plus un mot trop fort. Bush et Blair ont réussi à enfoncer un coin dans l'Europe, séparant les partisans d'une Union pro-américaine et ceux

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