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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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il se lie d'amitié avec Saddam Hussein, relation qui, sortie de son contexte, lui vaudra ultérieurement de très vives attaques, orchestrées pour une part par la CIA, en 2003, après le refus du président de la République de se joindre à l'attaque américano-britannique contre Bagdad.

    En développant les liens de la France avec l'Irak et avec Saddam Hussein, Jacques Chirac s'est simplement inscrit dans la politique arabe de la France initiée par le général de Gaulle après la guerre des Six-Jours, y ajoutant seulement sa touche personnelle, notamment la chaleur de ses contacts et ses liens filiaux avec Marcel Dassault. Il importe également de rappeler que la France a des intérêts pétroliers en Irak depuis la fin de la Grande Guerre. Les puissances victorieuses – États-Unis, Grande-Bretagne, France – s'étaient alors partagé les dépouilles de la Turkish Petroleum Company. La France avait ainsi bénéficié de 23,75 % de l'Irak Petroleum Company (IPC) et avait créé, pour gérer ces actifs, la Compagnie française des pétroles (CFP), qui deviendra Total.
    Depuis décembre 1961, l'Irak livrait une féroce bataille contre les « Majors » faisant partie du consortium de l'Irak Petroleum Company, y compris donc contre la française Total. Le général Kassem finit par exproprier 99,5 % des concessions de l'IPC. Mais, sitôt après la guerre des Six-Jours, afin de remercier Paris pour sa position réservée à l'égard d'Israël, Bagdad a manifesté le désir de nouer avec la France une relation pétrolière privilégiée, espérant ainsi enfoncer un coin dans le camp occidental. Un accord entre Elf et la compagnie nationale irakienne (INOC) fut ainsi paraphé le 23 novembre 1967. Pour donner plus de lustre à ces nouveaux rapports, le général de Gaulle accepta même de se rendre à Bagdad en décembre, mais c'est finalement le chef de l'État irakien, le maréchal Ali Aref, qui vint en février 1968 à Paris où il fut reçu en grande pompe. Le numéro un irakien demanda alors pour la première fois à faire l'acquisition de Mirage. L'Irak sort dès lors de son isolement et Paris reprend pied dans le monde arabe en commençant à y mener une politique indépendante de celle de Londres et de Washington.
    Le 18 septembre 1968, nouveau coup d'État à Bagdad : le parti Baas accède au pouvoir. Le nom du nouveau patron de l'Irak, le général al-Bakr, sera vite oublié. C'est le supposé numéro deux du régime, Saddam Hussein, qui s'impose bientôt comme l'homme fort du pays.
    La Compagnie française des pétroles (Total) occupe une position ambiguë puisque, tout en faisant partie des « Majors », elle est française et, à ce titre, n'est pas perçue comme « impérialiste » ; elle tente de recoller les morceaux entre l'IPC et le pouvoir irakien. Sans succès : le 1 er juin 1972, Bagdad nationalise l'IPC dans l'allégresse populaire, mais fait savoir à l'ambassadeur de France en Irak que « toutes les dispositions sont prises pour sauvegarder les intérêts français ». Une assurance précieuse, puisque le pétrole irakien représente alors le quart des approvisionnements de la CFP et 15 % de ceux de la France, mais plutôt délicate à accepter…
    Saddam Hussein est invité officiellement à Paris du 14 au 17 juin. Il n'y a pas unanimité, parmi les membres du gouvernement, sur la position à adopter à son égard ni face à ses demandes de fournitures militaires, notamment de Mirage. VGE, ministre des Finances, se montre réservé vis-à-vis d'une augmentation trop rapide des exportations françaises, et Maurice Schumann, ministre des Affaires étrangères, est foncièrement hostile à toute vente d'armes à l'Irak.
    Dès son arrivée à Paris, le 14 juin 1972, à l'occasion d'un dîner offert par Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre, Saddam Hussein était entré dans le vif du sujet : « Nous avons claqué la porte au nez des Américains, à celui des Anglais et à celui de tous ceux qui n'avaient pas respecté notre dignité. Nous savons que la France – son histoire le prouve – respectera notre dignitié. Aussi vous proposons-nous de collaborer dans les mêmes conditions que nous collaborons avec notre meilleure amie, l'Union soviétique. » Quarante-huit heures plus tard, Saddam Hussein était reçu à l'Élysée par Georges Pompidou. Le président français avait dit « non » aux Mirage, « oui » aux hélicoptères, « peut-être » aux matériels

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