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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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travail de fourmi, c'était une œuvre de longue haleine.
    Le combat qu'allait mener Jacques Chirac s'apparentait en revanche, lui, au blitzkrieg  : surprise, rapidité, brutalité. Le président ne me dit mot des moyens qu'il utilisa, mais ne dissimule pas l'état d'esprit qui le conduisit à reprendre en mains l'UDR : « Je me suis rendu compte assez rapidement qu'un parti sans personne pour le diriger ne pouvait pas marcher, même si je n'avais pas l'intention de beaucoup m'en occuper. Un parti, surtout le parti gaulliste, devait être “incarné”. »
    Aidé de Marie-France Garaud, de René Tomasini et de Charles Pasqua – délégué à l'organisation –, Jacques Chirac démarche les élus gaullistes l'un après l'autre. Dans le courant de juillet 1974, Claude Labbé, président du groupe parlementaire, est le premier à se rallier, puis c'est le tour d'Alexandre Sanguinetti, le secrétaire général. Les « barons », eux, sont encore hostiles au « traître ».
    Les 26 et 27 septembre, à Cagnes-sur-Mer, aux Journées parlementaires de l'UDR, il s'affirme comme chef de la formation en lui assignant des objectifs clairs et ambitieux, de nature à regonfler le moral des troupes. Il veut au minimum 150 députés dans la prochaine Assemblée ; surtout, il jette les premières bases de l'autonomie du mouvement par rapport au chef de l'État.
    Cependant, les « barons » non seulement résistent, mais souhaitent mettre l'un des leurs, Olivier Guichard, à la tête du mouvement en lieu et place de Sanguinetti, jugé trop chiraquien. L'hôte de Matignon réussit alors à convaincre celui de l'Élysée que ce serait mauvais pour lui de laisser des hommes qui lui sont hostiles, à lui, Chirac, et par conséquent à lui aussi, Giscard, à la tête de l'UDR. Dans cette analyse Giscard ne voit pas malice et encourage son Premier ministre à prendre une initiative avant son départ pour les Antilles, le jeudi 12 décembre 1974, pour y rencontrer Gerald Ford, président des États-Unis.
    Ce même 12 décembre, les « barons » sont réunis le soir à dîner au Palais-Royal, chez Roger Frey, président du Conseil constitutionnel. Autour de celui-ci figurent Jacques Foccart, Olivier Guichard, Jacques Chaban-Delmas, Michel Debré, auxquels se sont joints, pour discuter de la stratégie à suivre en vue du Conseil national de l'UDR qui doit se tenir le samedi après-midi suivant, Pierre Messmer, Alain Peyrefitte et Maurice Couve de Murville. Avec un aplomb sans pareil, Chirac téléphone et s'invite au dîner.
    C'est Chaban qui annonce qu'ils ont l'intention de présenter Olivier Guichard au poste occupé par Alexandre Sanguinetti. Chirac feint la surprise. Il enchaîne en déclarant qu'il s'opposera à cette candidature qui introduirait une « dualité inacceptable » avec Matignon. Devant la détermination farouche du Premier ministre, les convives baissent les bras et renoncent à pousser Guichard, mais suggèrent l'instauration d'une direction collégiale. Devant les gaullistes historiques médusés, Chirac lâche alors qu'il serait finalement plus simple qu'il assume lui-même le secrétariat général de l'UDR. Puis il quitte les lieux sans qu'aucune décision n'ait été prise et sans que les « barons » aient pris très au sérieux cette annonce, persuadés que la candidature de Jacques Chirac serait rejetée.
    Pendant ce temps les Juillet, Garaud, Tomasini et Pasqua sont à la manœuvre, notamment pour convaincre – moyennant force promesses sonnantes et trébuchantes – Sanguinetti de laisser son poste à Chirac le surlendemain. À la hussarde, celui-ci convoque un Comité central pour le samedi matin au salon L'Aiglon de l'hôtel Intercontinental.
    Ce samedi matin, comme prévu par les « comploteurs », Sanguinetti annonce sa démission devant une salle houleuse. Chirac fait état de sa candidature dans un indescriptible brouhaha qui va se prolonger plusieurs heures. Il est hué, insulté. Robert-André Vivien va le plus loin en le traitant de « Pinochet ». Chirac hésite, mais Charles Pasqua et l'encore tout jeune Michel Noir le rassurent en lui prédisant une victoire à 60 % des 80 membres. Les cris indignés des « barons » n'empêchent pas Chirac d'obtenir 57 voix. C'est la seconde fois en huit mois qu'il bouscule les hiérarques gaullistes. Il ne lui reste plus qu'à être adoubé, l'après-midi, par le Conseil national du mouvement qui se tient, porte Maillot, à l'hôtel

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