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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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terrestres. Le lendemain, les deux chefs de gouvernement paraphaient un accord garantissant pendant dix ans la pérennité des intérêts pétroliers français. La CFP pourrait acheter autant de barils qu'elle aurait pu en enlever s'il n'y avait eu la nationalisation.
    L'envolée des cours du pétrole et la volonté de garrotter l'hémorragie de devises qui s'ensuit vont faire sauter un à un les verrous de la sagesse. Fin 1973, la CFP obtient pour le gendre du général al-Bakr, numéro un irakien, un rendez-vous à Matignon avec le directeur de cabinet de Pierre Messmer. Ledit gendre s'occupe pour le compte de Bagdad des achats d'armes. Cette fois, Paris ouvre toutes grandes les portes de ses arsenaux. Dès 1974, Thomson CSF signe avec l'Irak un contrat de couverture aérienne radar pour 1,764 milliard de francs. De son côté, Bagdad plaide pour que la France soit épargnée par les décisions d'embargo sur les produits pétroliers prises par les pays du Golfe après le déclenchement de la guerre du Kippour en 1973, et exige en revanche qu'elles soient appliquées sans faille aux États-Unis, accusés de soutenir l'État hébreu.
    Quelques mois plus tard, la France de Valéry Giscard d'Estaing non seulement honore ses engagements vis-à-vis de l'Irak, mais les développe encore. Une délégation irakienne débarque à Paris en août 1974 pour préparer le voyage à Bagdad de Jacques Chirac, nouveau Premier ministre. Elle visite le Commissariat à l'énergie atomique, dirigé par André Giraud qui lui vante la qualité des centrales nucléaires françaises. Le 1 er septembre, les deux gouvernements signent un accord « relatif à l'équipement des armées irakiennes », et les premières négociations s'engagent entre les responsables de l'aviation militaire irakienne et Dassault. Sans disposer de renseignements très précis sur cette étape, on peut parier que, dans le droit fil d'un engagement qui voulait que ce qui était bon pour Dassault le fût pour la France, le Premier ministre encouragea ces pourparlers.
    Le 1 er décembre 1974, Jacques Chirac est accueilli à bras ouverts à Bagdad par Saddam Hussein. Les observateurs notent que l'hôte de Matignon « séduit » littéralement l'homme fort irakien, notamment par sa façon de savoir « perdre » du temps avec lui, de condescendre à jouer avec ses enfants, à genoux sur les tapis. Enthousiasmé par l'accueil qui lui est réservé, Chirac annonce la signature de nombreux contrats pour les entreprises françaises, équivalant à une somme de 15 milliards de francs. Si le chiffre paraît gonflé, il n'en traduit pas moins un emballement des relations industrielles et militaires entre les deux pays.
    Le 12 mars 1975, une délégation de Dassault-Snecma débarque à Bagdad pour y présenter un Mirage F1. Le 5 septembre de la même année, l'avion du président irakien se pose à Orly où Jacques Chirac l'accueille dans des termes on ne peut plus chaleureux : « Vous êtes mon ami personnel. Vous êtes assuré de mon estime, de ma considération, de mon affection ! » Les deux hommes passent plusieurs jours à visiter ensemble les installations militaires de Cadarache, puis à mieux se connaître dans le cadre d'un week-end privé. Les habitants des Baux-de-Provence se souviennent encore du commun séjour de ces illustres hôtes. La table du restaurant L'Oustan de Beaumanière fut particulièrement appréciée par Saddam Hussein.
    Chirac voyait en Saddam le dirigeant arabe laïc qui entendait moderniser son pays et que la France se devait d'aider : « Ils sont tombés dans les bras l'un de l'autre. Chirac cherchait à se constituer un domaine de politique étrangère que Giscard ne voulait pas lui concéder. Saddam, lui, voulait se désengager de la tutelle soviétique au profit d'un pays européen à la technologie avancée. Chirac savait que l'Irak était un pays important. Il a saisi l'occasion », se souvient l'ambassadeur Jacques Morizet 3 .
    Au terme de cette visite, lors du dîner officiel donné à Versailles dans la galerie des Glaces en l'honneur de son hôte, le Premier ministre confirme les bonnes dispositions de son gouvernement à l'égard de Bagdad : « La France est prête à apporter à votre pays ses hommes, sa technologie, ses compétences. » Marcel Dassault figure parmi les convives. Chirac l'a convaincu de la justesse de son engagement aux côtés de l'Irak, ainsi que le rapporte le général Gallois 4  : « Marcel

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