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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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sans doute pour cela qu'il est à l'Élysée » ? Au cours de nos entretiens, ce mélange ambigu de rejet, de rancune et d'admiration s'est manifesté à plusieurs reprises. Ainsi, lors de l'un d'eux, quand je le relance.
    « Il vous doit la présidence…
    – Sans nul doute, répond-il. Pourquoi ? Parce que je pensais qu'il était le meilleur. Après quoi, j'ai changé d'avis…
    – Le meilleur dans l'absolu, ou le meilleur pour battre la gauche ?
    – C'était un homme dont l'intelligence séduisait. Cela ne fait aucun doute. Un homme très brillant, mais qui raisonnait faux, et qui n'incarnait pas la France, contrairement au père de Gaulle, contrairement à Pompidou, et contrairement – je vais vous surprendre – à Mitterrand… »
    1 Daté du 3 février 1975.
    2 Ibid.
    3 Georges Malbrunot et Christian Chesnot, Saddam Hussein. Portrait total , Éditions 1, 2003.
    4 Guy Vadepied et Pierre Péan, Marcel Dassault ou les ailes du pouvoir , Fayard, 2003.
    5 Marcel Dassault ou les ailes du pouvoir , op. cit.
    6 D'un Chirac l'autre , op. cit.

20.
    À l'assaut de l'hôtel de ville de Paris
    Il n'est pas dans la nature de Jacques Chirac de demeurer inactif. Tant qu'il est resté en fonctions rue de Varenne, et malgré ses frustrations, il a respecté l'esprit de la V e  République qui fait du président la clé de voûte du système. Son départ de Matignon l'a libéré des réserves qu'il s'était imposées. Le temps de la conquête est arrivé. Avec, pour commencer, un discours-programme en Corrèze où il va récupérer son mandat de député. Il entreprend également de transformer et rajeunir le parti gaulliste pour en faire une machine de guerre contre François Mitterrand et la gauche, mais aussi – et surtout ? – contre Giscard et l'UDF. Avec, comme on va le voir, un programme qui va fluctuer au gré de ses conseillers de l'heure et de leur poids respectif.
    Le 3 octobre 1976, il prononce le désormais fameux discours d'Egletons, discours réformiste qui se termine par : « Le grand rassemblement auquel je vous convie […] devra allier la défense des valeurs essentielles du gaullisme aux aspirations d'un véritable travaillisme à la française. » Ce n'est pas le mot « rassemblement » qui retient l'attention, mais celui de « travaillisme » qui ne figurait pas dans le discours initial écrit et relu à Paris. L'arrivée inopinée de ce terme sur les lèvres de Jacques Chirac traduit le peu d'intérêt qu'il porte au choix des mots pendant sa longue période de conquête du pouvoir. Bernard Billaud relève ainsi que Chirac considère « que les mots et les idées n'ont pas de valeur intrinsèque, mais qu'ils sont des moyens dont on use avec plus ou moins d'habileté pour la conquête du pouvoir ». Il est plus préoccupé par l'organisation de son parti comme par celle des campagnes électorales, par le travail de séduction des électeurs, par l'intérêt qu'il voudrait porter à chacun d'eux, que par la doctrine qu'il défend et les vocables qui l'expriment.
    Tout en gardant à ses côtés Marie-France Garaud et Pierre Juillet, ultra-conservateurs, il y appelle aussi deux réformistes, Jérôme Monod et Alain Juppé, qui faisaient partie de son cabinet à Matignon. Le premier, protestant austère mais esprit ouvert, ancien délégué à l'Aménagement du territoire, a été son directeur de cabinet rue de Varenne ; il va en faire le secrétaire général du nouveau parti gaulliste. Le second sera chargé des études au sein de la nouvelle organisation.
    C'est donc ce dernier qui prépare le discours que Jacques Chirac va prononcer à Egletons chez Charles Spinasse, l'ancien ministre de l'Économie et des Finances du Front populaire, qui ne lui ménage pas son soutien depuis son débarquement en Corrèze. Discours certes relu par les conseillers conservateurs, mais qui a gardé des accents réformistes en prônant notamment un impôt sur la fortune. Il ne contient pas, en revanche, la moindre référence au « travaillisme ». C'est le 2 octobre au soir, au domicile de Spinasse, que Chirac, en compagnie de Charles Pasqua, fait relire son texte au compagnon de Léon Blum. Lequel suggère que « ça paraisse plus à gauche », en parlant de « travaillisme à la française ».
    Tandis que se prépare pour le 5 décembre le lancement du Rassemblement pour la République (RPR), qui doit se dérouler à la porte de Versailles, Giscard a décidé que Michel d'Ornano, maire de

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