L'inconnu de l'Élysée
Deauville et ministre de l'Industrie, serait le premier maire élu de Paris, fonction qui, compte tenu du nouveau statut de la capitale, devient un poste clé de la République. Sondages en main, le président est convaincu que ces élections ne seront qu'une formalité. Le 12 novembre 1976, sur le perron de l'Élysée, Michel d'Ornano annonce donc sa candidature. C'est, pour les gaullistes, une déclaration de guerre, puisqu'ils avaient déjà entériné le principe de la candidature giscardienne de Pierre-Christian Taittinger. Quarante-huit heures plus tard, Chirac retrouve son siège de député de Corrèze. Quand, les jours suivants, Marie-France Garaud évoque devant lui l'éventualité de sa candidature à la mairie de Paris, il fait la grimace…
Le 5 décembre, le RPR est né. Jacques Chirac fait un triomphe devant 50 000 militants exaltés. La machine de guerre est prête. Début janvier 1977, au 32 e étage de la tour Montparnasse, siège du RPR, la candidature de Chirac à la mairie de la capitale fait l'unanimité de l'état-major du parti. Seul problème : il ne doit pas apparaître comme un diviseur de la majorité. Le 18 janvier, il prévient Raymond Barre, Premier ministre, qu'il va se présenter pour ne pas risquer de laisser Paris tomber entre les mains des socialo-communistes. Le lendemain, il annonce sa candidature au « 20 heures » en recourant à une rhétorique bonaparto-gaulliste, faisant comme si la capitale, assaillie par les contre-révolutionnaires, les uhlans, voire les soviets, était sur le point de tomber : « Je viens dans la capitale de la France parce que, dans notre histoire, depuis la Révolution de 1789, chaque fois que Paris est tombé, la France a été vaincue ! » S'il attaque, comme d'habitude, les « collectivistes », quand il stigmatise les « combinaisons florentines », tout le monde comprend qu'il vise Giscard. Sa campagne sera sans pitié. Tous les coups seront permis.
Aujourd'hui arbitre suprême, sa mémoire a laissé sombrer dans l'oubli les coups qu'il a alors assenés au clan giscardien.
« Je n'avais pas du tout l'ambition de devenir maire de Paris, mais c'était la confusion la plus totale ! Les gaullistes parisiens étaient tous en train de se bouffer le nez. Christian de La Malène, Gabriel Kaspereit, Pierre Bas étaient tous candidats. Donc, on allait se planter ! Avec Marie-France Garaud et Pierre Juillet nous avons estimé que la seule solution était que je me présente. J'ai poussé un coup de gueule, j'ai dit avoir décidé y d'aller, et que ceux qui veulent me suivent ! J'ai donc été candidat.
« Giscard soutenait d'Ornano qu'il avait investi de sa superbe sur le perron de l'Élysée. J'ai dit : ce n'est pas possible, on ne désigne pas comme ça le maire de Paris ! Quand Giscard a vu que ça ne tournait pas bien, il a essayé de convaincre Edgar Faure d'être candidat. Edgar Faure, quand il y avait un palais national à portée, était toujours tenté… J'étais très ami avec Edgar et Lucie Faure. Je me souviens de ce jour où j'ai reçu un coup de téléphone de Lucie à 11 heures du soir : “Jacques, est-ce que vous pouvez venir tout de suite, voir Edgar en même temps que moi, à l'hôtel de Lassay ? C'est important.” À l'époque, j'étais ministre…
– Non, vous n'étiez plus rien…
– Ah bon, je n'étais plus rien ? J'arrive donc. Lucie est dans tous ses états. Edgar se tient tête basse dans son fauteuil. Et Lucie de lui ordonner : “Voilà, tu vas dire sur l'honneur à Jacques que tu ne te présenteras pas à la mairie de Paris…”
« Il avait en réalité quasiment accepté la demande de Giscard. Et Edgar a fait la déclaration solennelle exigée par Lucie. Edgar Faure était un type merveilleux…
« Je me suis présenté à la mairie de Paris non par ambition d'être patron de la capitale. Je n'avais aucune idée de ce que ça représentait. Mais, cette fois, le désastre se préparait, avec par-dessus le marché l'arrogance de Giscard, et là, je me suis dit : “Ce n'est pas possible !” »
Ses discours d'alors sont d'une surprenante brutalité. Après plus de vingt heures d'entretiens avec le président de la République, je ne peux m'empêcher de me poser des questions sur son évolution depuis pareilles diatribes. Ainsi de celle qu'il prononça porte de Pantin, le 11 février 1977, où il s'en prit à ceux qui en voulaient à la liberté de l'enseignement, avant de stigmatiser
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