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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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sauvagement la IV e  République qui était allée chercher sa légitimité « chez les Américains et les Allemands », ainsi que les « politiciens de rencontre qui ont alors déshonoré la France ». Puis, oubliant son ami Charles Spinasse, il s'en prend à Léon Blum et aux socialistes d'avoir, en 1936, laissé le champ libre aux fascistes et aux nazis en refusant l'intervention armée de la France aux côtés des républicains espagnols. Ses conseillers avaient tenté – sans succès – de l'empêcher de prononcer cette phrase 1 . Là, Jacques Chirac avait laissé parler en lui l'admirateur de Malraux, en oubliant toutefois que l'attitude de Blum n'avait pas été aussi caricaturale, puisqu'il avait encouragé Pierre Cot, Gaston Cusin et Jean Moulin à acheminer clandestinement armes et avions aux républicains espagnols 2 . À l'instar de son père, Jacques Chirac a toujours été un chaud partisan des brigadistes, et, comme on l'a vu, il leur conférera le statut d'anciens combattants.
    Si, dans ses interventions publiques, il donne alors l'impression de taper sur tout ce qui bouge, à tous les observateurs qui ne trouvent pas les mots pour définir son alchimie de campagne il montre en revanche qu'il est un animal politique hors du commun. Il goûte le contact avec les gens, se plaît à leur serrer la main, à les embrasser, et, au-delà des mots qu'il prononce, les gens sentent qu'il les aime. Bernard Billaud décrit bien de ce phénomène : « Je ne sache pas qu'en tournée électorale, Jacques Chirac ait jamais été l'objet de brocards, encore moins de propos hostiles ou malveillants. La sympathie qu'il sollicite lui est très largement accordée, et on s'interdirait de rien comprendre à la persistance de ce phénomène si l'on n'admet pas l'absolue sincérité de celui qui ainsi se donne. De cela les êtres qu'il côtoie sont persuadés et c'est ce qui explique que le charme n'ait jamais cessé d'opérer. Dès lors, peu importe que Jacques Chirac soit un piètre orateur et qu'il n'ait guère les talents du verbe susceptibles de soulever une foule. Il arrive à ses fins par d'autres moyens qui mettent en jeu plus profondément sa personnalité la plus secrète et aussi la plus énigmatique : cette capacité de conquérir et de séduire par les moyens d'une transparence aussi peu contestable, lorsqu'il se dépense sur le terrain, qu'elle est douteuse, sinon absente, dans le cours du combat politique ordinaire 3 . »
    Jean-François Probst, qui s'occupe alors de sa communication, livre 4 une anecdote datant de la fin janvier 1977 et qui illustre bien un des aspects de la méthode Chirac en campagne. Il est midi, plusieurs DS reviennent d'une visite de quartier et d'un marché du XV e  arrondissement ; elles foncent conduire Chirac et son entourage à un déjeuner du Syndicat de la presse quotidienne régionale. Le premier véhicule, dans lequel Chirac a pris place, s'arrête brusquement devant la tour Eiffel. Probst, qui est dans le second en compagnie de Jérôme Monod, observe d'un œil surpris la scène.
    « Nous voyons Chirac se précipiter à grandes enjambées vers une marchande ambulante de marrons, emmitouflée derrière sa minuscule échoppe. Comme les journalistes, nous sommes persuadés que “Fend-la-bise” (un des surnoms de Chirac) a un petit creux, ou une brusque envie de croquer des marrons. Pas du tout : il est parti à la pêche à l'électeur. Nous l'écoutons religieusement.
    « Bonjour madame, je suis Jacques Chirac, candidat à la mairie.
    – Bonjour monsieur, je suis corrézienne.
    – Enchanté, enchanté, chère madame ! Ça va, les affaires marchent ?
    – Pas du tout.
    – Que se passe-t-il ?
    – On m'ennuie.
    – Mais qui donc vous ennuie, madame ?
    – La police, monsieur. Ils n'arrêtent pas de m'embêter pour des histoires de papiers, de patente.
    – Attendez-moi une seconde, madame, je vais téléphoner au préfet.
    « Sitôt dit, sitôt fait. Cinq minutes plus tard, le futur maire de Paris déclenche un véritable plan Orsec. De son téléphone de voiture – un radio-com 2000, en ce temps-là –, il passe un savon au préfet de police : les services préfectoraux persécutent une des amies corréziennes de Jacques Chirac, une marchande de marrons installée sous la tour Eiffel ! Dix minutes plus tard, le commissaire de police du “Gros Caillou” rapplique et se confond en excuses. Il promet à la marchande de marrons qu'elle ne verra

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