L’Inconnue de Birobidjan
un papier dans le Post .
â Une chose que tu ne sais peut-être pas, câest ce quâil a répondu aux Anglais quand ils lui ont demandé pourquoi il nous avait trahis. « Pourquoi parlez-vous de trahison ? Sans Staline et les millions de Soviétiques qui sont morts pour détruire Hitler, les Ãtats-Unis et lâAngleterre nâexisteraient plus. Le vrai crime serait que vous soyez les seuls à posséder la bombe atomique. Ãâaurait été un vol de la science. Tous ceux qui mâont aidé à empêcher ce vol sont des héros. »
â Pas mal, comme défense ! Ce qui était valable pour certains il y a huit ou dix ans lâest toujours. Câest ça ?
â Oui. Sauf que Fuchs raconte des craques. On nâest plus en 43. On ne se bat plus contre Hitler. Aujourdâhui, lâennemi est de lâautre côté du Pacifique, et il nous fauche les armes qui devraient nous permettre de lâobliger à se tenir sage.
Il y eut une pause. Sam devait finir son verre.
Je dis :
â Je suis au courant, pour Fuchs, Sam, et aussi pour les noms quâil a lâchés aux Anglais et au FBI. Les arrestations de ces dernières semaines. Je sais aussi que le jeune Cohn est sur le coup, comme pour Marina Gousseïev.
â Alors, tu vas encore mieux me comprendre. Ãa bout, Al. Ta Russe est suspendue au-dessus du chaudron. Ils vont bientôt avoir tout ce quâil faut pour lây faire tremper. Et peut-être auront-ils raison. Ils sont en train de démonter ces saloperies de réseaux soviets maillon après maillon. Et il ne sâagit pas dâune comédie pour faire plaisir à Nixon et à McCarthy.
â Samâ¦
â Non. Toi, écoute-moi. Cesse de faire le malin, Al, ou tu plongeras avec cette bonne femme. Ce serait triste pour moi : je tâaime bien et tu es un bon journaliste. Et si tu plonges, câest tout ce quâon a construit dans ce foutu journal que tu fais plonger. Ãa, je ne le permettrai pas.
â Je ne suis pas sûr de te comprendre, Sam. Où veux-tu en venir ?
â Simple : assiste aux audiences, utilise tes oreilles et tes dix doigts pour écrire tes papiers. Point. Ne joue pas aux anges gardiens. Tu nâas pas les ailes pour ça. Tu saisis ou tu veux un dessin plus complet ?
Un mauvais frisson me fit serrer le combiné. Sam avait-il appris ma visite du matin à lâOld County Jail ? Non, je nâavais pas envie quâil approfondisse le dessin. Comment pouvait-il savoir ? Et si vite !
Jâallumai une cigarette pour chasser lâinquiétude de ma voix.
â Je peux te demander un truc, Sam ? Tu fréquentes toujours ce bon ami du FBI dont tu me parlais tout à lâheure ?
Il y eut un toussotement à lâautre bout du fil. La voix de Sam sâadoucit.
â Toujours. Il fait partie de la famille, aujourdâhui. Il a épousé une de mes cousines. Il aime encore se confier de temps à autre. On nâimagine pas combien un agent du FBI peut être solitaire. Et puis, ils sont quelques-uns à en avoir marre de passer pour des guignols. Pour des types qui ne penseraient quâà fabriquer des fausses preuves. à lâoccasion, ça lui permet de me montrer un mauvais clou qui traîne sur le sol avant que jây pose le pied.
â OK. Message reçu.
â Parfait.
â Il me faudrait un coup de main à New York. Tout à fait dans les règles. Les archives de la fac de médecine ou les fichiers des assurances doivent avoir gardé la trace dâun médecin du nom de Michael Apron. Sâil a vécu à Brooklyn, quelquâun se souvient peut-être de lui ? Ce nâest pas si vieux.
â Je vais voir ce quâon peut faire.
On a raccroché chacun de notre côté sans effusion excessive. Jâécrasai le mégot de ma cigarette. Ma main tremblait légèrement.
T. C. sâétait trompé. Il nâétait pas le seul à connaître ma balade du matin à la prison. On pouvait même dire que les nouvelles allaient vite. Je me demandai qui était au courant, en plus du FBI. Cohn, Wood, McCarthy ? Probable.
Dans un instant de panique je composai le numéro de T. C. Ulysse répondit. Monsieur nâétait pas là . Il déjeunait dehors,
Weitere Kostenlose Bücher