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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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brisa le silence :
    â€” Cela étant, mes notes sont plus intéressantes que le papier. Ça pourrait t’être utile. Je t’ai envoyé le tout par courrier interne.
    â€” Merci.
    â€” Ça reste incomplet. Certaines choses se passaient d’être écrites sur une feuille de papier, à ce moment-là.
    â€” Tu pourrais me les expliquer maintenant ?
    â€” Possible.
    Après quoi il redevint silencieux pendant plusieurs secondes. Rien qui me surprit. Je connaissais sa manière de procéder. Je savais à présent pourquoi il tenait à m’avoir au téléphone. Je tirai un carnet et un crayon du fatras de mon bureau. Quand j’entendis Sam avaler une nouvelle gorgée, je grognai :
    â€” Je t’écoute…
    â€” Avec cette tournée, Staline s’est servi de Mikhoëls comme d’un cheval de Troie. Un champion quand il s’agit de cacher ses sombres forêts derrière de jolis arbres, l’Oncle Joe.
    â€” Explique.
    â€” Au tout début de la guerre, à l’occasion d’un article sur les camps de Japonais autour de Seattle, j’ai rencontré un type du FBI. Un gars pas imperméable à l’intelligence. On a sympathisé. Cinq ou six semaines après la tournée de Mikhoëls, après qu’il a lu mon papier, il m’a dit : « Sam, je crois qu’il est temps que tu piges deux trois trucs sur les valseurs de l’Oncle Joe. »
    â€” Il a dit ça : « Les valseurs de l’Oncle Joe » ?
    â€” Une bonne image. Sur la piste, tu regardes le meilleur danseur et tu oublies de faire attention aux autres. Ceux qui dansent dans l’ombre et s’occupent d’un tout autre job. La tournée de Mikhoëls ne servait pas seulement à collecter des dollars et de la sympathie.
    â€” Il le savait ?
    â€” Probable que non. Ou s’en doutait et passait l’éponge. Il n’avait pas le choix. Sans Staline il ne pouvait pas sortir d’URSS, et l’urgent était de mobiliser les Juifs des États-Unis…
    â€” Et ces autres « danseurs » ?
    â€” La sympathie envers les Soviets que soulevait Mikhoëls était un bon préalable au recrutement de Juifs prêts à rendre service autrement qu’en sortant leur portefeuille. C’était le job d’un autre membre du Comité antifasciste juif : Itzik Fefer. Poète yiddish et agent du NKVD. Mikhoëls donnait ses conférences et lui récoltait les fruits mûrs. Il les mettait en contact avec des agents soviets qui les prenaient en main. Des pros du NKVD, ceux-là, avec des cartes diplomatiques de vice-consuls à New York. Deux en particulier : Leonid Kvasnikov et Alexandre Feklisov.
    Je notai en vitesse les noms.
    â€” Ça a marché ?
    â€” Mieux qu’on pourrait l’imaginer. Pour beaucoup, c’était la conclusion logique des discours de Mikhoëls. Staline et les Rouges étaient en première ligne contre Hitler. Les États-Unis, les Anglais et l’URSS étaient alliés. Si la seule arme capable d’arrêter les nazis et d’empêcher le massacre des Juifs était la bombe atomique, l’Amérique ne devait pas la garder pour elle-même. Il fallait aider les Russes à l’avoir. Moralement, ça se tenait.
    â€” Tu as été tenté ?
    Sam eut un de ses rares petits rires.
    â€” Les choses étaient un peu confuses, pas vrai ? Heureusement, je n’avais pas à choisir. Je n’avais aucune information à fournir à l’Oncle Joe.
    Je songeai à mes propres années de guerre. Elles n’avaient pas duré longtemps. Trois années, de 44 à 47, en Angleterre puis à Berlin. Rien d’héroïque, mais une bonne expérience pour apprendre ce que signifie la confusion.
    â€” Je vois.
    â€” La question est de savoir jusqu’où, Al.
    â€” Éclaire-moi.
    â€” Le nom de Klaus Fuchs te rappelle quelque chose ?
    Je ne pus m’empêcher de sourire. Ce type obsédait tout le monde.
    â€” Je crois que je vais finir par connaître sa bio par cœur, Sam. La grosse tête de Los Alamos qui a envoyé les secrets de la bombe à Moscou. Les Anglais l’ont arrêté en janvier. Il est passé aux aveux en mars. Il y a même eu

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