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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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est-ce je voulais laisser un message ?
    Je donnai mon nom, remerciai Ulysse, rallumai une cigarette pour calmer mes doigts. J’avais sérieusement besoin de réfléchir et de boire un verre. Je quittai l’agence et me retrouvai devant une bière et un bourbon dans un bar de Vernon Street. Je commandai aussi un sandwich. Quand le serveur le déposa devant moi, mon estomac me fit savoir qu’il n’en voulait pas. J’avais peur.
    Une question tournait dans ma tête. Ils savaient, pourtant ils me laissaient faire. Pourquoi ?
    Quand l’alcool eut glissé dans ma gorge, j’essayai de mettre un peu d’ordre dans le chaos qui me servait de cervelle. Pas la peine d’essayer de deviner comment on m’avait repéré à la prison. Trop de réponses possibles. Au moins avais-je eu la présence d’esprit de ne pas y laisser la fausse autorisation de Shirley. Je l’avais toujours en poche.
    Je n’hésitai pas longtemps. Désormais, cette autorisation bidon ne servirait plus qu’à attirer des ennuis à Shirley. Je quittai mon siège pour aller faire un tour aux toilettes. J’ydéchirai en menus morceaux le papier à en-tête du bureau de Wood et les regardai disparaître dans les égouts.
    En revenant m’asseoir j’étais déjà plus calme. Une idée m’était venue. Ou plutôt revenue. Elle m’avait effleuré en vitesse sans que j’y prête attention. Wood avait imposé un peu trop facilement ma présence aux audiences. Il y avait vu son intérêt, pas de doute. Pourtant, il n’avait pas pu décider seul. Il lui avait fallu obtenir l’accord du reste des membres de la Commission. Et, soudain, je ne voyais aucune bonne raison pour que McCarthy et Nixon le lui aient donné.
    Le huis clos de l’audience était de la frime, du théâtre. Dans deux jours, trois au plus, ils épateraient la galerie en sortant un lapin de leur chapeau. Marina serait coupable, et ils en fourniraient la preuve. Avoir à ce moment un témoin à l’intérieur, un journaliste qui puisse raconter comment ils avaient mené l’audience et découvert le pot aux roses, leur ferait une jolie publicité. Sauf que je ne pouvais pas être ce témoin. Ils le savaient. Il leur fallait un type souple. Un pisse-copie à leur botte. Une denrée qui ne manquait pas à Washington mais parmi laquelle on ne pouvait pas me compter. En ce cas, pourquoi m’avaient-ils ouvert la porte ?
    Question qui s’ajoutait à la précédente : puisqu’ils savaient, pourquoi les petits hommes gris du FBI n’étaientils pas déjà venus me cueillir ? Ces derniers temps, on les avait vus arrêter des journalistes pour moins que je n’avais fait.
    Réponse : parce qu’il se pouvait bien que depuis le début de cette histoire je me sois fait manipuler comme un enfant de chœur.
    S’il n’y avait pas de bonnes raisons pour qu’ils me laissent assister aux audiences, il pouvait y en avoir de mauvaises.
    Je vidai un second verre et visualisai assez bien le tableau. McCarthy et Nixon avaient reniflé le bon coup. Rien ne pouvait leur plaire davantage qu’un faux pas de ma part. Qu’un journaliste de gauche, juif de surcroît, contourne laloi pour défendre une vraie espionne soviétique, et fausse juive, serait la preuve de ce grand complot anti-américain qui les faisait prospérer. Un divin cadeau pour les prochaines élections de novembre !
    Â«Â Ã‡a bout ! » avait dit Sam. Il avait raison. Ça faisait plus que bouillir.
    Bien sûr, ils auraient besoin de preuves. Mais les preuves se fabriquaient. Il leur suffisait de me laisser patauger dans la vase, et je leur fournirais tout ce dont ils auraient besoin.
    Ou peut-être ces preuves existaient-elles réellement ?
    McCarthy et sa clique étaient-ils assez futés pour imaginer un piège si tordu sans avoir quelques certitudes ?
    Ces réseaux d’espions juifs et soviétiques que le FBI mettait au jour, le vol des plans de la bombe A, Fuchs, tout ça n’était pas un leurre. Staline avait fait sauter sa bombe dix mois plus tôt.
    Pour la première fois, le doute se forgea une place sérieuse dans ma tête. Qui était vraiment Marina Andreïeva Gousseïev ?
    Ces types que le FBI avait

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