L’Inconnue de Birobidjan

dont je vous ai parlé hier. Possible aussi que Cohn nous ménage une surprise. Apparemment, son bureau était très occupé, ce matin, avec le FBI de New York…
    â€” Nom de Dieu ! La perquisition chez Marina !
    Comment avais-je pu l’oublier ? Cohn nous l’avait annoncée à l’audience, hier.
    â€” Exact. Possible que vous en entendiez parler cet après-midi… s’ils n’ont pas fait chou blanc. Il vous faudra tendre l’oreille. Ce garçon a l’imagination fertile.
    â€” OK. Je vous rappellerai ce soir, T. C.
    â€” Pourquoi pas.
    â€” Je sais ce que je vous demande, T. C. Je n’ai pas l’intention de vous faire bosser gratis.
    â€” Un bon sentiment de votre part.
    â€” Sans compter les frais.
    â€” Très juste.
    â€” Je vais m’arranger pour que le Post en couvre une partie. Je sais d’avance que ça n’ira pas loin. Pour le reste, je crains que mon salaire ne soit pas au niveau de vos honoraires.
    â€” Bien possible.
    â€” J’ai une proposition à vous faire.
    â€” Ah ?
    â€” J’ai décidé d’écrire un bouquin sur cette histoire. Je ne veux pas me limiter aux articles pour le Post . Je vous propose une partie des droits. Par contrat, bien sûr.
    J’entendis le craquement d’une nouvelle allumette. Il prit tout son temps avant de me donner son opinion :
    â€” Vous comptez empêcher McCarthy et Nixon d’envoyer votre Russe dans le couloir de la mort grâce à un roman ?
    â€” Je peux toujours essayer. Les journaux, les radios deviennent trop timides dès qu’il s’agit de contredire McCarthy. Même le Post . Ils ont trop peur de passer pour de mauvais Américains. Ou pour de dangereux comies. Un bouquin peut faire plus de bruit. Et d’un bout à l’autre du pays.
    â€” Et s’il s’avère que votre Russe n’est pas la blanche colombe de vos vœux ?
    â€” L’histoire n’en sera pas moins bonne. L’héroïne non plus. Ça sera juste un autre livre. L’histoire d’une désillusion. Probable qu’il se vendra mieux encore. On ne rencontre pas une femme de ce calibre tous les jours.
    â€” Et élégante, avec ça, m’a-t-on répété. Elle portait une jolie robe, ce matin. Apportée à l’Old County Jail par une âme secourable, je suppose…
    â€” T. C…
    â€” La description qu’on m’a faite du visiteur matinal vous faisait honneur, Al.
    â€” Qui vous a raconté ça ?
    â€” Si je vous répondais, que deviendraient mes honoraires ? Je croyais qu’elle était sous le régime des témoins spéciaux du FBI ? Pas de courrier, pas de visite ?
    â€” J’avais une autorisation.
    â€” Illégale, bien sûr.
    T. C. m’en bouchait un coin. Je m’étais abstenu volontairement de lui parler de ma visite à la prison. Sans trop savoir pourquoi. Parce que je voulais garder ce moment avec Marina pour moi seul ? Pour ne pas mettre Shirley dans le coup ?
    J’étais furieux, mais plus encore inquiet.
    â€” Qui d’autre le sait ?
    â€” Personne qui puisse vous nuire pour l’instant. Et puisque je suis votre avocat, je ferai le nécessaire pour que ça continue. À combien se monte ce pourcentage que vous me proposiez tout à l’heure ?
    â€” Je pensais autour de vingt.
    â€” Trente me paraît plus adapté.
    â€” Je suppose que je n’ai pas le choix ?
    â€” Votre Russe est soupçonnée d’appartenir à un réseau qui a barboté les plans de la bombe atomique, ceux des radars de défense et ceux du dernier prototype de B52. Il est possible qu’elle soit un des chefs de la bande. Tout ça alors que nous sommes dans une année électorale assez chaude… Il ne s’agit pas d’une paumée qui s’est effeuillée devant les ivrognes de Loo-Land Avenue, Al. Ne plaisantez pas avec les petits hommes en gris du FBI. Vous n’avez pasidée de ce qu’Hoover et ses esclaves peuvent vous balancer sur la tête.
    â€” Ça ne change rien, T. C. Nixon et McCarthy ont trop de cartes en main. La Commission est un show obscène. Personne n’est là pour y entendre la vérité. Il faut bien que